Depuis un an, l’Église catholique de Man traverse une grave crise.
Contrairement aux attentes des prêtres et des fidèles, le Nonce apostolique en Côte d’Ivoire, au nom du Vatican, vient d’envenimer la situation par des « tournures spiritualo-politico-diplomatiques » opaques. Suscitant l’étonnement de nombreux observateurs.
Une crise interminable
La crise dans l’Église de Man met à rude épreuve la crédibilité de l’Église catholique à gérer ses problèmes avec vérité et courage. En effet, le jeudi 4 janvier 2024, Mgr Béby Gneba Gaspard, évêque de Man, a ouvertement accusé, dans une déclaration radiophonique, les prêtres de son diocèse de manquer à leurs vœux de célibat et de pauvreté. Ces accusations publiques inhabituelles ont conduit les prêtres à écrire au pape François. Pour donner leur version des faits.
Selon eux, Mgr Béby, en poste depuis une quinzaine d’années, aurait instauré une gouvernance autoritaire. Gouvernance marquée par des humiliations et des pratiques autocratiques. Ils l’accusent également de détournement de fonds alloués par le Vatican à des projets diocésains jamais réalisés. Pour ces prêtres, les accusations de l’évêque ne seraient qu’une tentative de diversion.
Le visiteur de Rome
Face à cette situation, le pape a dépêché un visiteur apostolique, Mgr Roger Houngbédji, archevêque de Cotonou, qui a séjourné à Man du 19 au 25 août 2024. Selon des indiscrétions, son rapport aurait confirmé les griefs des prêtres contre Mgr Béby, notamment en ce qui concerne les détournements de fonds. Rome semblait initialement prête à démettre l’évêque, comme cela avait été le cas pour deux autres prélats ivoiriens pour des raisons similaires.
Cependant, cette perspective aurait alarmé les évêques ivoiriens, qui craignaient que cette décision n’encourage une contestation plus large contre leurs propres pratiques. Certains d’entre eux auraient plaidé auprès du Vatican pour maintenir Mgr Béby en poste, redoutant une « révolte générale » des prêtres.
Une décision controversée
Le vendredi 27 décembre 2024, le Nonce apostolique a annoncé le maintien de Mgr Béby, accompagné de la nomination du cardinal Jean-Pierre Kutwa comme administrateur apostolique. Cette décision, perçue comme un compromis maladroit, a laissé les prêtres de Man perplexes et amers.
Ils dénoncent une tentative d’étouffer la vérité. Et pointent une inégalité de traitement par rapport aux évêques précédemment révoqués. Pour eux, la solidarité des évêques ivoiriens avec Mgr Béby reflète un corporatisme nuisible, au détriment de la gouvernance pastorale et de la transparence.
À propos du nouvel administrateur apostolique
La nomination du cardinal Kutwa comme administrateur apostolique Sede plena a été accueillie avec scepticisme. À 78 ans, et dans un état de santé fragile, le cardinal, qui prônait par le passé le renouvellement des générations, semble contredire ses propres principes. Certains prêtres rappellent avec ironie une réflexion attribuée à Mgr Dacoury. « Lorsqu’un évêque veut partir, il sait comment écrire sa lettre au pape. S’il ajoute : ‘mais tout dépend de vous’, c’est qu’il ne veut pas partir ! »
Une situation toujours bloquée
À l’issue de cette annonce, les prêtres de Man ont refusé de concélébrer la messe avec le Nonce apostolique. Exprimant ainsi leur désapprobation. Ils attendent désormais, non sans ironie, une intervention divine pour trancher une situation qu’ils qualifient de mascarade politico-diplomatique, éloignée des valeurs évangéliques.
La suite de cette affaire reste à écrire. Un dialogue apaisé entre le Nonce et les prêtres de Man semble indispensable pour restaurer la confiance. Et répondre aux attentes des fidèles. En attendant, beaucoup invoquent la mémoire de feu Mgr Bernard Agré. Dont le souvenir exemplaire continue d’inspirer respect et admiration à Man.
Jean-Pierre DROH KÉI
Correspondant régional à Man
POUVOIRS MAGAZINE