Affi N’Guessan, prisonnier des jeux de pouvoir et des alliances perdues
Dans le théâtre politique ivoirien, il semble que quiconque s’aventure à flirter avec le RHDP se voit enchaîné à des liens invisibles, difficiles à rompre. Une fois engagé, le chef de parti perdrait le droit d’en sortir librement. Et s’il ose se détacher, c’est un bicéphalisme qui lui est imposé, comme pour le diviser en deux, affaiblir sa voix. Et si l’obstination persiste, la justice entre en scène, non pour juger de simples faits, mais pour prononcer un verdict sur celui qui ose défier les règles tacites de cette grande famille politique. Ainsi, Affi N’Guessan, à l’image des leaders du MFA, du LIDER ou de l’UDPCI, se retrouve pris dans une toile savamment tissée par ceux qui détiennent le pouvoir.
Affi est devenu, malgré lui, l’illustration parfaite de ce piège politique. Diabaté Bêh, membre du conseil municipal d’Abobo, a goûté aux douceurs du pouvoir en s’alliant en mai 2023, au RHDP. Il s’est confortablement installé dans l’idée qu’en 2025, il représenterait l’aile qui accompagnerait encore cette grande machine politique. Lorsqu’il a appelé à ignorer les appels à la résistance venant de Bonoua, il faisait déjà allégeance aux puissants. Pendant ce temps, Affi, dans un contraste saisissant, saluait l’appel à rejoindre ce même combat de Bonoua. Mais le sort était déjà scellé : Affi était condamné à perdre.
Dans sa première alliance avec le RHDP, Affi espérait une reconnaissance. Peut-être imaginait-il qu’il serait reconduit, avec leur soutien, comme candidat dans sa propre région. Mais il n’en fut rien. Le RHDP, implacable, a préféré soutenir une autre figure, laissant Affi en marge. Déçu des régionales, il rêvait alors d’un poste ministériel ou d’une présidence d’institution. Mais ces espoirs se sont aussi évanouis, comme un mirage dans le désert politique ivoirien.
Face à ces échecs cuisants, Affi N’Guessan a choisi de déchirer l’alliance. Il claque la porte, avec l’intention de se rapprocher de Laurent Gbagbo, son ancien mentor et rival politique. Mais le RHDP, bien que tolérant envers certaines déviations politiques, ne peut accepter ce retour vers Gbagbo, figure emblématique de la résistance à leur domination.
Stratégiquement, Affi s’est fait piéger. Il avait cru, à tort, que Gbagbo était politiquement fini. Mais aujourd’hui, le voilà prêt à se tenir à nouveau à ses côtés, comme pour racheter une erreur de jugement. Toutefois, cette volte-face ne se fait pas sans conséquences. Derrière lui, la dissidence s’organise. La contestation gronde et menace de faire éclater son propre parti.
Affi N’Guessan annonce pour tenter de garder le contrôle, un 5e Congrès ordinaire prévu les 8 et 9 novembre 2024 à Yamoussoukro. Mais s’il persiste dans sa rébellion contre le RHDP, l’histoire nous enseigne que la prison pourrait bien être son ultime destination. Le sort de ceux qui ont osé s’élever contre le pouvoir en place, comme les fondateurs du MFA, du LIDER ou de l’UDPCI, en est la preuve vivante. Leur chute, parfois brutale, rappelle à tous les dangers d’une ambition mal calculée.
Ainsi, Affi, dans ses beaux draps, se retrouve à la croisée des chemins. Prisonnier de ses propres choix, il doit désormais choisir entre une fidélité malheureuse à ses idéaux ou une reddition face aux forces implacables du pouvoir en place. Dans cette partie d’échecs politique, chaque mouvement compte, et Affi, peut-être, vient de perdre un coup décisif.
ALEX KIPRE
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE