6 septembre: Gabriel, tenir tête aux grandes puissances mondiales.

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Robert Mugabe : L’homme qui refusa la condition ultime

Le 6 septembre marque les cinq ans de la disparition de Robert Mugabe, une figure emblématique et complexe de l’histoire africaine.

Cet homme, qui a mené le Zimbabwe vers son indépendance, était aussi connu pour son rejet catégorique de toute forme d’imposition étrangère sur les valeurs traditionnelles africaines. Parmi les nombreuses anecdotes marquant son règne, l’une des plus mémorables fut son célèbre échange avec le président américain Barack Obama. Lors d’une discussion sur les droits des minorités sexuelles, Mugabe avait répondu avec une ironie tranchante : “Je n’adopterai les lois sur l’homosexualité que lorsque vous, Barack Obama, viendrez vers moi en tant que femme.” Cette réplique, empreinte de provocation, témoignait de sa détermination à défendre une vision du monde enracinée dans les valeurs conservatrices africaines, peu importe la pression internationale.

Robert Gabriel Mugabe n’était pas seulement un chef d’État ; il était une force de la nature. Aussi adulé pour son rôle dans la lutte pour la libération du Zimbabwe qu’il fut critiqué pour sa gestion autoritaire et économique désastreuse. Il est né le 21 février 1924 dans une petite mission catholique. Grandissant dans un environnement rigide et pieux. Cependant, sa soif d’apprentissage et son esprit rebelle l’ont conduit à s’impliquer très tôt dans la politique de décolonisation. Des figures révolutionnaires telles que Julius Nyerere et Kwame Nkrumah l’ont influencé.

En 1980, après des années de guérilla contre le régime blanc d’Ian Smith, Mugabe mène le Zimbabwe à l’indépendance. Sa popularité à cette époque est indéniable.

Il est vu comme le sauveur, celui qui a défié l’impérialisme pour libérer son peuple de la domination coloniale.

Cependant, très rapidement, l’homme de guerre se transforme en autocrate. Il consolide le pouvoir entre ses mains, étouffe les dissidences. Et met en place des politiques qui conduisent le pays à une profonde crise économique.

L’épisode de la réforme agraire, en particulier, reste l’un des points les plus controversés de son règne. Ce qui devait être un retour des terres aux Noirs zimbabwéens dépossédés devint un désastre. Lorsque des terres fertiles furent expropriées des fermiers blancs sans que les nouveaux propriétaires ne disposent des moyens ou de l’expertise pour les exploiter. Cela marqua le début d’une décennie de déclin économique. Le Zimbabwe, autrefois considéré comme le grenier de l’Afrique, sombra dans la misère et l’inflation galopante. Atteignant des taux jamais vus dans l’histoire moderne.

Pourtant, malgré ces échecs, Mugabe resta fidèle à son idéologie panafricaine.

Il voyait toute critique, qu’elle vienne de l’Occident ou même de ses voisins africains, comme une nouvelle forme de colonisation.

Il a su maintenir une loyauté indéfectible parmi ses partisans grâce à son charisme, sa rhétorique anti-impérialiste. Et son image de père de la nation. Mais, en fin de compte, même les régimes les plus fermes vacillent.

En 2017, alors qu’il tentait de préparer sa femme, Grace Mugabe, à lui succéder, l’armée intervint, forçant Mugabe à démissionner. Cette fin humiliante pour un homme qui avait toujours défié les lois de l’Histoire ne faisait que souligner l’ampleur du décalage entre ses ambitions et la réalité du Zimbabwe qu’il laissait derrière lui.

Cinq ans après sa mort, Robert Mugabe reste une figure polarisante. Pour certains, il est un héros, un libérateur qui a su tenir tête aux grandes puissances mondiales. Pour d’autres, il est l’homme qui a ruiné un pays, trahi les espoirs de ses concitoyens, et laissé le Zimbabwe exsangue. Une chose est sûre, Mugabe est une légende dont l’héritage, pour le meilleur ou pour le pire, continuera de hanter l’Afrique pendant des générations. “Que son âme repose en paix éternelle,”

JULIEN BOUABRE

photo: dr

POUVOIRS MAGAZINE

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Allan Litchman est professeur émérite à l’American University de Washington depuis 1973.