C’est à travers les yeux intelligents du réalisateur tunisien Abdelatif Kechiche en 2010, que le monde (re) découvre cette fois, sur grand écran, l’horrible vie de Saartjie Baartman, enlevée de son village blotti dans la vallée de la Gamtos River, près du Cap en Afrique du Sud, par l’obscure esclavagiste Heindrick Caesar et son complice un chirurgien anglais dénommé Alexander Dunlop en 1810.
Cette femme, noire, aux mensurations dites exceptionnelles meurt à 25 ans seulement, exploitée physiquement et sexuellement, en bête de foire dans les théâtres, cirques et zoos humains de France et d’Angleterre et dans les « belles soirées », humiliée et violée. L’enfer, elle le vit sur terre puisque même après sa mort, son corps est disséqué à des fins suspects scientifiques et séquestré pendant deux siècles notamment à la galerie d’anthropologique physique du musée de l’homme à Paris, avant d’être enfin remis à l’Afrique du sud en 2002 pour reposer en paix selon les rites Hottentotes, sa tribu.
Précédemment si la vie de Saartjie commence dans l’asservissement d’abord dans des familles Booers, puis dans les kraal dans une Afrique du Sud sous colonisation, c’est la suite du destin que lui réservent ses ravisseurs qui interpelle.
Sous le prétexte fallacieux que ses formes et organes génitaux sont hors normes, les deux preneurs d’otages vont en faire un fonds de commerce dans une société européenne qui lutte encore avec ses propres démons.
Elle sera donc enlevée à l’affection de son époux et ses deux enfants pour être droguée, violée au vu et au su de tous. La science même s’y mêle en soutenant un intérêt prétendument scientifique de son physique.
C’est ce qui justifie qu’en mars 1815, Etienne Geoffroy Saint Hilaire, professeur de zoologie, oui de zoologie et administrateur de Muséum national d’histoire naturelle de France se propose d’examiner « les caractères distinctifs de cette race curieuse » et qu’un de ses confrère Georges Cuvier la dénude et la scrute à cette fin. Son tort c’est d’avoir un fessier et des attributs génitaux « anormalement proéminents ». Et le bref procès intenté par l’African association contre ses ravisseurs, conclu par un non-lieu n’y fera rien.
En définitive, cette sombre aventure contribuera à dégrader davantage l’image de la femme en la traduisant en objet sexuel et la condition du noir en le déshumanisant.
A l’occasion du Black History month et à l’orée de la journée internationale de la femme, ce rappel plus que les célébrations colorées et les déclarations convenues et après Claudine GAY, entend valoir son pesant d’or.
TAMA CESAR
POUVOIRS MAGAZINE