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Lettre ouverte à Alassane Ouattara, Capitaine des éléphants, défenseur des intérêts footballistiques ivoiriens.

Une fois est loin d’être coutume, je vous écris Monsieur le président, pour vous parler de football en apparence, mais avec un peu d’attention, vous vous apercevrez vite qu’il s’agit d’humanité, de croissance à plusieurs chiffres, de bonne gouvernance etc des thèmes qui vous sont chers.

Capitaine Ouattara, vous organisez sous peu, la Can dans votre pays. A quelques mois de ce rendez-vous, David Datro Fofana, un footballeur ivoirien vient d’être transféré à Chelsea en Angleterre et devient après Kalou Salomon, le deuxième joueur à jouer à Chelsea, suite à une formation en Côte d’Ivoire. La première chose à faire est de s’en réjouir. Peut-être parce qu’il va toucher beaucoup d’argent et délivrer ses parents des griffes de la misère. Certes. Mais d’abord et surtout parce que c’était le rêve de ce gamin de jouer, de travailler en réalité dans un grand club. Ce jeu est un métier âpre. C’est bien dans un pays que vous gouvernez que les gamins puissent toucher ou vivre leur rêve. Comment et pourquoi un joueur arrive à Chelsea ?

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Il ne faut pas croire qu’on joue à Chelsea ou dans un grand club parce qu’on est talentueux (ou qu’on est mal fort comme on le dit à Abidjan). On arrive à atterrir à Chelsea parce qu’on a bénéficié d’une bonne formation. Abidjan et ses quartiers sont remplis et dégoulinent de talents. Mais ceux qui arrivent dans de bons clubs sont ceux qui bénéficient d’une formation. Derrière la réussite d’une formation, il y a les sacrifices des investisseurs, des encadreurs (je suis encadreur), des formateurs qui font passer le footballeur avant leur propre famille, qui veillent sur sa santé, sur son hygiène de vie, sur son mental, sur ses valeurs. Des hommes qui lui apprennent des gestes techniques porteurs d’émotion. C’est la quête de ces émotions qui attire le monde et la foule dans les gradins des stades. Je viens de vous donner les raisons pour lesquelles les stades sont vides. 

Monsieur le Président, Capitaine Ouattara, David Fofana a été formé dans un club appelé « Abidjan City » qui lui a tout appris. Bien sûr le gamin aimait le ballon, mais il ignorait beaucoup de choses du foot. Dans les 4 contre 2 et de nombreux autres exercices, il perdait les ballons. Il jouait à l’instinct. Il réussissait ou ratait des choses mais ne savait pas toujours pourquoi. La formation lui a enseigné comment et pourquoi faire de bons choix s’il veut arriver à Chelsea. La formation l’a rassuré. Un athlète doute beaucoup. Celui qui lui a orchestré sa formation et inoculé les valeurs footballistiques s’appelle Né Marco, un jeune ivoirien qui a lui-même été international, a joué en Belgique, en Grèce, en Ukraine avec un passage éclair en test en Angleterre. Il a su former David, parce qu’il avait lui-même été bien formé par Jean-Marc Guillou, ancien capitaine de l’équipe nationale de France et son équipe. Né Marco est un produit de l’Académie Mimosifcom d’Abidjan qui nous a donné N’dri Romarick, Yaya Touré, Gervinho, Kolo Touré, Zokora Maestro, Copa Barry, Aruna Dindané, Baky Koné, Tiéné Siaka et qui nous en aurait donné davantage de perles, si elle n’avait pas été victime des errances et cupidités de nos institutions chargées de gérer le Football. Vous remarquerez bien que Monsieur le Président que ce sont les mêmes qui agissent de la même façon, depuis 20 ans voire plus date du premier scandale et gâchis avec les imbroglios judiciaires qui pénalisent le pays. 

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Alors que vous visez l’émergence, les autres nous conduisent bien que perçus à tort comme des personnes clés dans votre politique sportive, vers la dégénérescence à la fois morale et structurelle.

Né Marco a gagné de l’argent en jouant au foot. Avec cet argent, il aurait pu, avec la prudence, la frilosité qui habite chaque africain, se construire un immeuble avec son nom visible en son sommet. Ou encore faire retentir son nom dans les haut-parleurs en échange de billets de banque. Cet agissement porte un nom : le ‘‘travaillement’’. Ou encore s’acheter une bombe routière avec son nom en lieu en place de la plaque d’immatriculation. C’est de son âge. Que Non ! 

Né Marco a eu et a toujours une haute opinion de son pays, de lui-même, du foot comme outil de développement, de création d’emplois, d’insertion sociale. Il a refusé de se sentir heureux seul, nombriliquement joyeux pour s’inscrire dès son jeune âge, dans la transmission. A 30 ans, il est devenu Président de club en investissant dans la formation des jeunes. Il avait un seul rêve : fournir grâce à son club « Abidjan City » le plus gros contingent de joueurs à l’équipe nationale de Côte d’Ivoire. Il a pris de la hauteur et c’était la bienvenue. Il s’est affilié à la Fif, la fédération ivoirienne de football (celle qui n ‘a pas voulu de Didier Drogba). Le rôle de cette fédération est de protéger les clubs. C’est elle qui doit élever les clubs au rang de partenaires, les hisser au rang de collaborateurs. Mais Capitaine Ouattara, défenseur des Eléphants, la Fédération n’a non seulement pas fait son travail, mais elle a pactisé avec l’ennemi. Elle s’est entendue avec un club étranger norvégien appelé « Molde » pour vendre dans l’irrégularité et la falsification la plus totale, le joueur Fofana avec la complicité d’une mère, friteuse de bananes alloco qu’on pourrait comprendre quand elle s’affole devant quelques millions de francs. Des gens plus épanouis qu’elle se sont extasiés et ont perdu la lucidité et le bon sens pour moins que cela. Alors on comprendrait. Monsieur le Président vous voyez que la lutte contre la corruption doit redoubler d’ardeur. La Fif dont ce n’est pas l’attribution, a tout de même contribué à vendre David Fofana monnayant des billets de banque, un peu comme pour un miroir, nos ancêtres complexés ou généreux vendaient leurs frères à des inconnus.

A la Fif dont ce n’est pas le premier acte d’irrégularités, il n’est point question de préférence nationale. A la Fif, il y a pourtant des personnalités qui vous représentent. Des préfets, des représentants de l’État, à la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. On ne peut priver les clubs formateurs de leurs droits. Plus personne ne voudra construire parce qu’on peut leur enlever leur droit comme on veut. Il faut absolument que les clubs formateurs rentrent dans leur droit sinon tous ceux qui sont en train d’investir dans la formation, dans le foot des jeunes et des masses vont se décourager. Monsieur le Président, la Fédération espagnole tient parce que le Real, le Fc Barcelone leur fournissent de bons joueurs par le biais des centres de formation. Le Maroc est arrivé en demi-finale au Qatar d’où nous étions absents parce que Mohammed VI a construit et investi dans un centre de formation qui porte son nom. Vous pouvez lui demander, il va vous en dire un mot. Vous serez choqué de l’entendre dire qu’il s’est inspiré de l’Académie Mimosifcom, club formateur de Marco Né et aujourd’hui c’est lui, le centre Mohamed VI qui nous fait rêver.

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Monsieur le président, une mauvaise et bonne nouvelle à la fois, « Abidjan City » a porté plainte et l’affaire est au Tribunal arbitral du sport (Tas) en Lausanne en Suisse, une sorte de ‘‘Cpi du foot’’. Un acte de trop. La Fif peut être ridicule pour l’éternité. Et nous avec.

En a-t-on vraiment besoin ? Il faut fabriquer du vivre ensemble, un destin commun, des victoires collectives surtout qu’on organise une Can bientôt.

Je suis désolé de vous avoir soumis à cet exercice de lecture, mais vous vous rendez bien compte que de foot, il s’est très peu agi dans ce courrier. Le problème est celui de la lutte contre corruption, de la valeur de nos préfets, de la mal gouvernance, de la fragilité de nos Institutions moins ambitieuses qu’un jeune entrepreneur, de l’éducation et la protection de notre jeunesse. Quelle est la valeur de nos valeurs ? Suis-je enclin à  me demander. 

Je voudrais saisir de ce cas d’école, pour que vous vous montriez plus regardant sur ce secteur qui n’est pas moins pourvoyeur d’emplois, de richesse et de bonheur. Le bonheur ? Oui celui que vous avez ressenti le 8 février 2015, lorsque les Eléphants vous offraient le trophée de la Can. C’était le fruit du travail de plusieurs décennies de formation entamé à l’Académie Mimosifcom, travail qui nous a valu aussi deux participations à la Coupe du monde. Monsieur le Président, le capital sympathie d’une population à l’égard d’un chef, d’un capitaine nait aussi de ce genre de victoire. 

Je voudrais vous prier de trouver ici son excellence, par anticipation, mes remerciements et l’expression de ma profonde gratitude.

MICHEL ALEX KIPRE

Educateur sportif, enseignant, journaliste, écrivain, éditeur 

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