Première nation africaine à atteindre la demi-finale du mondial de football, le Maroc est la grosse sensation du moment, entre célébrations et questionnements sous fond de débats identitaires.
DIMA MAGHRIB ! ce slogan retentit non sans une ferveur et une fierté affichée depuis le début de la compétition, et à juste titre. Au-delà du ravissement, c’est un postulat qui convoque le ralliement pour une partie du continent. Cette performance des lions de l’atlas à la coupe du monde est un vrai retentissement dans la sphère footballistique, et un énorme coup de projecteur sur le football africain. Seulement, dans ce flot d’éloges, il y a une récurrence à clamer plus bruyamment son appartenance à l’arabité chez ces africains du Maghreb. Le coach Regragui a une communication soignée en la matière et ne manque pas de corriger cette subtilité. Pas le cas de Sofiane Boufal dont le dérapage médiatique n’a pas manqué de raviver les braises latentes d’une question fâcheuse. Le rétropédalage de l’attaquant marocain au lendemain de sa déclaration n’a pas refroidi la polémique. Laquelle mérite une réflexion plutôt sereine, débarrassé de tout relent conspirationniste et raciste.
C’est un sujet presque tabou, une réalité indubitable chez beaucoup de maghrébins. La plupart se considère d’abord arabe, ensuite musulman puis africain dans une moindre mesure, inconsciemment et sans mauvaise intention à la base. Il est d’ailleurs très courant et normal qu’un subsaharien se fasse appeler ¨africain¨, sans que cela n’ait forcement une connotation péjorative ou raciste. Cela relève d’une simple habitude que d’une volonté d’ostraciser. En réalité, ce sont deux grandes civilisations qui cohabitent mais qui se connaissent peu. Des peuples qui partagent le même espace géographique avec des différences à bien des égards. Les relations bilatérales s’avèrent donc insuffisantes, il en faut visiblement plus. Autre constat, il y a un réel fossé entre les élites et les populations sur la question de l’intégration continentale. Si les décideurs ont conscience de l’exigence diplomatique et des enjeux économiques que cela implique, les peuples dans leur majorité l’intègrent plus lentement. Il faudra plus que des échanges commerciaux et la collaboration au sein des organismes panafricains pour lier ces ¨frères¨. L’éducation peut être une véritable esquisse pour lever les malentendus et les procès d’intentions, pour construire enfin un narratif fédérateur loin des stéréotypes et des clichés.
Dans le Maghreb, la démarche communautaire sera évidemment plus orientée vers le moyen orient. Une adhésion actée par un référent culturel et sociologique car faisant appel à un idiome commun (la langue arabe), spirituelle dans une certaine mesure du fait de la Oumma qui renvoie à la communauté des croyants dans l’islam. C’est une différenciation inhérente à une société qui est en marge des paradigmes culturels et socio-économiques du reste de l’Afrique subsaharienne. La question palestinienne par exemple trouvera un écho plus impactant que la guerre dans l’est du Congo ou les émeutes raciales à Soweto. Il n’y a donc rien d’étrange quant à la suite du kop de supporteurs marocains arborant fièrement le drapeau palestinien, les joueurs de l’équipe nationale se sont fait le relais de cette cause fondamentale pour les musulmans du monde entier. Plus qu’un signal ce geste consolide la communauté de destin qui les lient.
EN FINIR AVEC LES EMOTIONS
Sans toutefois essentialiser, la question raciale exacerbée par un antécédant historique lié à l’esclavage est une problématique dans cette partie du continent. Où malheureusement le noir reste pour certains une figure inférieure accolée à une catégorie sous-estimée. Cela dit, cette propension à exiger constamment de l’empathie, la posture victimaire consistant à la limite quémander l’amour et le respect des autres est une tare dont les subsahariens devront se débarrasser. Pourquoi en tenir rigueur à un tiers quand celui-ci ne t’associe pas à son succès ? La fraternité ne doit-elle pas se forger dans le respect et la considération mutuelle ? Quel regard peut-on porter sur un frère qui livre volontairement ses enfants à la précarité, les obligeant à faire le manche, faisant de ces derniers la risée du quartier ? Aucune once de considération ne peut y prospérer. Vouloir se greffer à une victoire qu’on vous dénie cache un aveu d’incompétence. A l’heure de la célébration de l’abnégation, de l’orgueil, de la discipline, de la résilience dans le travail, point de place pour l’impréparation, l’amateurisme, le clientélisme, le népotisme. Les rapaces de même plumage ne s’acoquinent guère avec de la volaille douteuse dit-on. Oser le changement en élevant ses standards, pour que les victoires ne soient plus des exploits, mais résultant de méthodes rigoureuses et efficientes. Une manière plus glorieuse d’imposer le respect. Il faut affronter ces vérités crues qui nous hantent, nous écrouent et inhibent nos actions pour changer la donne.
LOIC DAMAS