Femme politique marocaine, elle est députée, mais d’abord poétesse; Touria Ikbal est spécialiste du soufisme. Et traductrice de nombreux ouvrages dont un ivoirien.
Au Maroc et dans le Maghreb, le talent de cette écrivaine à qui l’on doit neuf ouvrages et autant de traductions, ne souffre aucune contestation. C’est elle qui a, en effet, traduit Ahmadou Kourouma.
« J’ai traduit Allah n’est pas obligé (Ndlr : Seuil, 2000 prix Renaudot et Goncourt des lycéens) au conseil suprême de la culture en Egypte, en arabe. J’ai eu à éprouver un grand plaisir à traduire mais j’ai beaucoup peiné aussi. C’est un texte hautement poétique, ironique, et sérieux mais en même temps d’une immense beauté aussi. » Et depuis Touria Ikbal s’intéresse au travail de Kourouma. On est alors curieux de savoir comment elle traduirait le titre Les Soleils des indépendances qui donne du fil à retordre à plusieurs traducteurs. « L’ère de l’éveil », répond-elle.
Et voilà donc j’ai commencé d’abord par la traduction. Quelles sont les raisons qui militent au choix de sa personne ?
« Je pense qu’au-delà de la maîtrise, c’est d’avoir de la sensibilité vis-à-vis de deux langues qu’il s’agit. Il faut en saisir les subtilités, les aspects culturels, biographiques. Parce qu’il ne suffit pas de connaître les langues. On peut maîtriser parfaitement des langues sans pourtant
les traduire. »
Un exemple ? « Les Arabes, pour traduire l’expression : ça me réjouit, disent : ça me glace le coeur, alors que les Français disent ça me fait chaud au coeur ». Comment a-t-elle traduit en Arabe Allah n’est pas obligé ?
« Si j’avais dit « Allah n’est pas obligé », on aurait cru que c’était un livre qui critique Allah et l’Islam et on l’aurait taxé de livre hérétique et impie. J’ai donc usé d’une expression coranique pour préserver la saveur et l’idée. C’est : Avant et après tout Allah s’occupe de toute chose. »
D’où vient son amour pour l’écriture ?
Le premier appel de cette dame vers la poésie lui vient de sa grand-mère. Artisane manuelle, elle tressait à des fins décoratives, tout en dédiant des textes très spirituels à Dieu mais aussi à son fils unique qui était le père de Touria. « J’ai alors écrit un de mes premiers poèmes à l’âge de 11, 12 ans pour ma mère. C’était en reconnaissance d’un geste d’une immense délicatesse poétique vis-à-vis de moi. On habitait dans une maison traditionnelle à Marrakech, il faisait très chaud et je dormais à même le sol et ma mère a pris un drap très léger et doucement elle l’a mis sur mon cou pour ne pas me réveiller. J’ai senti ce geste comme une caresse d’une grande douceur et d’autant plus qu’elle était soucieuse de ne pas me réveiller mais en même temps de me couvrir et ça c’est quelque chose »
Mais avant, à l’âge de 8 ans, celle qui deviendra plus tard poétesse eut une attitude surprenante pour l’entourage :
« A l’époque, on habitait dans une grande ferme et je sillonnais les coins et recoins de la grande maison. Surpris de mon habitude, mon père me demande ce que fait sa petite fille. Et moi de lui répondre que je cherche où se cache le bonheur ». Et jusqu’à présent, je le cherche dans les endroits, et dans les choses auxquelles on ne fait pas attention.
Pouvoirs Magazine