*Tierno Monénembo, écrivain / Fauteuil présidentiel ou fauteuil roulant

1 an

Cette chronique me vient de deux images qui ont fait le buzz sur Ta toile ces derniers temps : celle du Président Biya lors d’une assemblée des Nations unies à New York et celle du président Ali Bongo lors du récent couronnement du roi Charles III d’Angleterre. Dans la première, on voit le nonagénaire président camerounais dans un état de décrépitude avancé, complètement perdu, ne comprenant rien aux propos de son ministre, ne sachant apparemment pas en quel vénérable endroit il se trouve. Dans la seconde, la caméra nous montre un Bongo fils qui a du mal à mettre une jambe devant l’autre sans l’aide de son épouse ou de son garde de corps.

Plus que le problème de l’âge, la question de la longévité au pouvoir

Le pouvoir africain se porte mal. La durée de son exercice rivalisant avec l’âge des tortues, il va de soi que la plupart de ses chefs ont déjà blanchi sous le harnais. D’où le ridicule paradoxe que voici : le plus jeune continent du monde est dirigé par les plus vieux leaders du monde. Les Paul Biya, Sassou N’Guesso et autres Teodoro Obiang Nguema Mbasogo pilotent un navire où la moitié des passagers sort à peine de l’adolescence. Ce n’est pas une blague, en Afrique la moyenne d’âge de la population est de 19 ans contre 31 pour l’Asie, 38 pour l’Amérique et 43 pour l’Europe.

19 ans pour la population, 66 ans pour les dirigeants ! En moyenne, nos présidents sont au moins trois fois plus âgés que leur population. On comprend que nos leaders et nos jeunes aient tant de mal à se comprendre. On comprend pourquoi nos sociétés peinent à trouver des atomes crochus entre le sommet et la base.

Au Cameroun, nous l’avons déjà dit, Paul Biya a 90 ans, dont 41 ans passés à la tête du pays alors que pendant la même période, 7 présidents américains ont défilé à la Maison-Blanche. Les quadragénaires de Douala et de Yaoundé n’ont connu qu’un seul et unique président. En Afrique, cela n’a rien d’extraordinaire : en Guinée, en un demi-siècle, deux hommes et deux seulement, Sékou Touré et Lansana Conté se sont succédé au pouvoir. Au Congo-Brazza voisin, Sassou N’Guesso(81 ans) est toujours au pouvoir après 38 ans d’un règne sans partage interrompu seulement par la brève apparition de Pascal Lissouba. En Guinée Equatoriale Teodoro Obiang Nguema (81 ans également et 38 ans de pouvoir également) se prépare à passer la main à son fils Teodorino. Mais la liste des octogénaires n’est pas complète. Il faut y ajouter Yoweri Museweni de l’Ouganda, Emmerson Mnangagwa du Zimbabwe, Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire

Petit rappel historique

Tout cela n’a rien de nouveau, hélas ! Houphouët-Boigny est mort président de la République de Côte d’Ivoire à 93 ans. Mobutu et Mugabé ont quitté le pouvoir de force l’un à 67 ans et l’autre à 93 ans. Si seulement, les gérontes qui nous gouvernent se contentaient de moisir au pouvoir, mais non, il faut qu’ils exposent leurs tics et leur bave aux yeux du monde entier. À la fin de son énième mandat, la télévision guinéenne nous a montré un Lansana Conté incapable de descendre de voiture pour loger son bulletin de vote dans l’urne. Abdelaziz Bouteflika, le jeune et fringant ministre des Affaires étrangères de l’Algérie, l’icône de ma génération, l’idole de tout le continent a achevé malgré lui, sa fonction de chef d’État, figé comme une momie dans un fauteuil roulant. Comme quoi, la drogue du pouvoir est bien plus nuisible que le crack !

Si au moins, ces présidences à vie ajoutaient quelque chose à notre gîte et à notre couvert ! Mais non, on a beau appuyer sur le bouton « cours des matières premières », on a beau tirer vers le haut, la manette « aide au développement », le navire Afrique ne prend toujours pas le large.

Et si l’on abaissait l’âge du capitaine ?

*Tierno Monénembo écrivain guinéen 2017, grand prix de la francophonie pour l’ensemble de son œuvre ; 2013, grand prix Palatine et prix Ahmadou-Kourouma pour Le Terroriste noir ; 2012, prix Erckmann-Chatrian et grand prix du roman métis pour Le Terroriste noir ; 2008, prix Renaudot pour Le Roi de Kahel ; 1986, grand prix littéraire d’Afrique noire ex aequo pour Les Écailles du ciel.

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