Après trois jours de heurts sanglants, la Commission électorale tanzanienne a confirmé la victoire écrasante de la présidente sortante Samia Suluhu Hassan.
Son triomphe massif, obtenu dans un climat de peur et d’absence d’opposition réelle, soulève de graves doutes sur la légitimité du scrutin.
En Tanzanie, la présidente Samia Suluhu Hassan a été réélue avec 97,66 % des voix. Selon les résultats officiels annoncés samedi 1er novembre. Cette proclamation intervient après trois jours de violences meurtrières ayant secoué plusieurs grandes villes du pays. Notamment Dar es-Salaam et Mwanza.
Les affrontements ont éclaté dès le jour du vote, mercredi, alors que le scrutin présidentiel et législatif se déroulait en l’absence totale d’opposition crédible.
Les deux principaux adversaires de la cheffe de l’État écartés du processus électoral. L’un emprisonné, l’autre disqualifié. Ce vide politique a transformé la présidentielle en un plébiscite sans suspense que marque la répression et la peur.
L’opposition dénonce une « parodie de démocratie »
« Nous demandons l’intervention d’un organe crédible pour superviser de nouvelles élections ». A réclamé John Kitoka, porte-parole du Chadema, principal parti d’opposition exclu du scrutin.
Il a fustigé une “parodie de démocratie”. Accusant le régime de museler toute contestation et de manipuler les institutions électorales.
Près de 700 personnes auraient perdu la vie dans les manifestations et affrontements post-électoraux.
Des tirs, des morts et un pays sous tension
À Dar es-Salaam, des témoins ont rapporté des tirs nourris et des scènes de chaos. Des bâtiments publics, dont un commissariat, ont été incendiés.
Le nombre de morts à Dar est d’environ 350 et plus de 200 à Mwanza.
Les chiffres officiels du gouvernement, eux, évoquent simplement des « poches de violence ». Niant tout usage excessif de la force.
Le ministre des affaires étrangères, Mahmoud Thabit Kombo, a déclaré sur Al-Jazira : « Je n’ai pas vu ces 700 morts. Aucun chiffre ne nous a été communiqué. »
Une présidente entre autorité et contestation
Samia Suluhu Hassan, 65 ans, première femme à diriger la Tanzanie, était déjà présidente par intérim depuis 2021, à la mort de John Magufuli.
Son ascension avait d’abord suscité l’espoir d’un assouplissement du régime. Mais au fil des années, ses détracteurs l’accusent d’avoir rétabli une gouvernance autoritaire, d’étouffer les médias et d’écarter systématiquement ses opposants.
Lors de sa victoire, elle a remercié les forces de sécurité « pour avoir garanti le vote malgré les violences », qualifiant les manifestations d’« actes antipatriotiques ».
L’ONU exige une enquête impartiale
Face aux accusations de répression et aux bilans contradictoires, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exprimé sa « profonde inquiétude ».
Il a appelé à « une enquête minutieuse et impartiale » sur les violences, exhortant toutes les parties à faire preuve de retenue pour éviter une nouvelle escalade.
Une source diplomatique à Dar es-Salaam juge néanmoins « crédible » le bilan avancé par l’opposition, évoquant des centaines de morts et de blessés.
Un pays fracturé, une démocratie vacillante
Derrière le triomphe arithmétique de Samia Suluhu Hassan, c’est une Tanzanie divisée et meurtrie qui émerge.
Le pouvoir revendique la stabilité et la continuité, mais l’opposition parle d’un pays sous contrôle, privé d’alternance et de voix libres.
Entre légitimité contestée et autorité renforcée, la présidente réélue devra affronter une question simple, mais cruciale :
Comment gouverner un pays dont une partie du peuple n’a plus confiance dans les urnes ?
FATEM CAMARA
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE
