Premier vice-président de la FIF, Malick Tohé brouille les lignes. A son insu. Entre ambition et confusion, loyauté et calcul, il semble désormais jouer une partition dont il veut être à la fois chef d’orchestre et soliste.
Chez Malick Tohé, le jeu semble de plus en plus trouble — et peut-être est-ce le “je”, ce moi assoiffé et affamé de reconnaissance, qui l’est davantage encore. Longtemps fidèle lieutenant, le premier vice-président de la Fédération ivoirienne de football (FIF) donne aujourd’hui l’impression d’avoir troqué la solidarité d’équipe pour une quête plus personnelle. Celle du pouvoir absolu.
L’homme ne manque pas de titres ni de mérites. La Côte d’Ivoire à la CAN 2023, il a profité des lumières d’Abidjan, savouré les lauriers, goûté aux honneurs. On l’a vu sourire aux caméras, trinquer à la victoire. Et même récemment s’envoler avec la délégation jusqu’à l’île Maurice. Bref, l’image d’un dirigeant comblé.
Mais les sourires officiels ont des revers d’ombre. Depuis quelque temps, Malick Tohé s’agite. Il consulte, promet, tisse un réseau de sympathies au sein des clubs et des groupements d’intérêt.
Derrière les mots de loyauté, perce une ambition : succéder à Idriss Diallo, l’homme dont il partageait hier et qu’il partage aujourd’hui encore la bannière.
Le paradoxe est saisissant. Peut-on combattre ce dont on est fier ? Peut-on rêver d’abattre une maison dont on a posé les fondations ? Malick Tohé semble tenté de répondre oui, au nom de ce “je” intérieur. Ce miroir altéré, troublé où l’ambition se confond avec la mission.
Son jeu devient alors une énigme : veut-il servir le football ivoirien ou s’en servir ? Cherche-t-il à réformer la FIF ou à s’y couronner ? À trop vouloir tout — pouvoir, voyage, lumière —, il risque de tout perdre : la crédibilité, la cohérence. Et cette grâce rare qu’on accorde à ceux qui savent rester à leur place, même quand la tentation du trône les effleure.
S’il fallait un changement à la tête de la Fédération ivoirienne de football, encore faudrait-il qu’il incarne une autre voie. Un autre parcours, une autre vision, un autre souffle. On pourrait alors comprendre l’ambition d’un renouveau, celle qui naît d’un rêve plus vaste et d’une expérience différente. Mais vouloir remplacer l’existant par son exact reflet, c’est une illusion. Changer pour rester semblable n’a jamais fait avancer une institution. Ce serait, en somme, remplacer le pain d’aujourd’hui par le pain d’hier, en espérant qu’il soit plus frais — un pari à la fois naïf et inutile.
Le jeu trouble de Malick Tohé révèle finalement un “je” troublé, pris entre in-fidélité et vanité. Et dans le grand théâtre du football ivoirien, il n’est pas sûr que le public confonde encore l’un avec l’autre. « Quand on refuse on dit non ». C’est Ahmadou Kourouma qui le disait.
DESIRE THEA
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE
