Banques face à la polycrise : quatre leviers stratégiques pour restaurer la confiance et la valorisation

2 semaines

Malgré des profits records de 1 200 milliards de dollars en 2024, le secteur bancaire mondial reste sous-valorisé par rapport aux autres industries.

Les marchés doutent de la pérennité de ses performances, perçues comme conjoncturelles. Quatre dimensions fondamentales peuvent pourtant renforcer la résilience et la valorisation des banques dans un monde en polycrise.

« Le succès en investissement ne vient pas de prédire le futur, mais de voir le présent clairement. »
Howard Marks (1946–), investisseur et cofondateur d’Oaktree Capital Management

Un secteur prospère, mais sous-valorisé

En 2024, le secteur bancaire mondial a généré environ 1 200 milliards de dollars de bénéfice. Un record historique tous secteurs confondus. Pourtant, les marchés financiers demeurent sceptiques. Les valorisations boursières du secteur sont inférieures de près de 70 % à la moyenne des autres industries.

« Celui qui vit à travers une boule de cristal mangera du verre brisé. »
Ray Dalio (1949–), fondateur de Bridgewater Associates

Les marchés doutent aujourd’hui de la pérennité des performances exceptionnelles récemment atteintes par les banques à l’échelle mondiale. Une conjonction de facteurs – baisse des taux d’intérêt, évolution technologique. De même que comportementale des consommateurs, montée en puissance des fintechs, du crédit privé et de la gestion de patrimoine – remet en question la solidité de ces résultats.
Ces dynamiques pourraient faire basculer la rentabilité des capitaux propres (ROE) des banques en dessous de leur coût du capital. Sur de nombreux marchés.

Cet article, fondé sur les données de S&P Capital et du Global Market Intelligence, vise à décrypter cet écart de valorisation persistant. Et à proposer des pistes de renforcement stratégique pour la pérennité du secteur.

I. Les quatre dimensions fondamentales de la pérennité bancaire dans un monde en polycrise

« L’investissement consiste à acheter des choses qui ont de la valeur, mais dont le prix est temporairement bas. »
Howard Marks

Face à des vents contraires macroéconomiques, les banques doivent repenser leurs modèles. Les stratégies fondées sur la seule croissance ne suffisent plus : la précision devient le facteur clé de différenciation entre banques performantes et banques stagnantes.

Cette « boîte à outils de précision », applicable à toutes les institutions financières, repose sur quatre dimensions stratégiques :

  1. Technologie :
    Se concentrer de manière chirurgicale sur les technologies à fort impact. Notamment dans l’IA agentique et l’IA générative – et réduire les investissements qui n’améliorent ni les flux de travail, ni l’expérience client, ni les modèles économiques.

  2. Le nouveau consommateur :
    Passer d’une segmentation traditionnelle à une individualisation totale (“un client unique”). En proposant des services hyperpersonnalisés fondés sur la donnée, afin de reconstruire la confiance dans un contexte d’érosion de la fidélité.

  3. Optimisation du capital :
    Adopter une gestion du bilan au niveau microéconomique — produit par produit, client par client, actif par actif — pour libérer les capitaux immobilisés et les réallouer avec précision vers les segments les plus rentables.

  4. Fusions-acquisitions ciblées :
    Privilégier la qualité à la quantité, en ciblant les opérations renforçant la présence sur des micromarchés, des zones géographiques clés, ou apportant des compétences distinctives dans des domaines spécialisés.

👉 À l’ère de l’intelligence artificielle, la précision, et non la taille, devient le véritable facteur d’égalisation.
Même les plus petites banques peuvent rivaliser si elles intègrent cette rigueur stratégique à tous les niveaux.


II. Pourquoi les marchés doutent-ils de la pérennité des performances bancaires ?

Malgré leurs résultats records, les banques continuent d’être valorisées bien en dessous des autres secteurs.
En juin 2025, le ratio cours/valeur comptable (C/VC) du secteur bancaire mondial s’élevait à 1,0, contre une moyenne de 3,0 tous secteurs confondus — un écart de 67 %.

Le ratio cours/bénéfice (P/E) des banques atteignait 8,4, contre plus de 30 pour les secteurs technologiques ou pharmaceutiques.
Ce décalage s’explique par la perception d’une création de valeur temporaire, dopée par des conditions économiques favorables (taux élevés, faibles coûts du risque), plutôt que par des fondamentaux durables.

Étalonnage des ratios de valorisation par secteur (2024–2025)

Secteur Price-to-Book P/E Ratio
Technologies, médias et télécoms 5,5 33,9
Services aux entreprises 4,9 37,9
Produits pharmaceutiques et médicaux 3,9 33,9
Biens de consommation 3,8 24,8
Industrie 3,8 33,8
Institutions financières non bancaires 3,4 23,5
Santé 3,2 32,3
Voyages, logistique et infrastructures 2,4 16,5
Énergie 1,7 15,3
Assurances 1,7 13,3
Matériaux 1,6 22,9
Conglomérats 1,6 13,7
Immobilier 1,2 33,7
Banques 1,0 8,4

III. Le cœur du problème : confiance et transformation

Les investisseurs considèrent que les résultats récents du secteur bancaire reposent sur des facteurs conjoncturels — taux d’intérêt élevés, marges exceptionnellement fortes, coûts de risque bas — plutôt que sur des modèles économiques innovants.
En parallèle, les banques perdent du terrain face à la concurrence des fintechs, sociétés de paiement, crédit privé et gestionnaires de patrimoine, qui captent désormais les segments les plus rentables.

Résultat : les bénéfices bancaires auraient pu être encore plus élevés si ces nouveaux acteurs n’avaient pas fragmenté la chaîne de valeur financière.

La réhabilitation du secteur passera donc par la restauration de la confiance, la réinvention technologique, et la précision stratégique dans l’allocation des ressources.

CAMUS BOMISSO

photo:dr

POUVOIRS MAGAZINE

OPINIONS

DU MEME SUJET

Investir en temps de polycrise : 4 leviers pour atténuer les risques géopolitiques

Dans un monde instable, les dirigeants doivent intégrer quatre leviers essentiels pour