13 octobre: Marcel Zadi Kessy. L’homme de Yacoli, le rêve devenu lieu

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Il n’était ni prophète, ni ministre. N’avait pas de cortège. Pas de slogan. Il avait un village, une vision, et une voix calme. À Yacolidabouo, il a planté des écoles, pavé les rues, transmis le goût du collectif.

Il a fait pousser des idées dans la terre rouge. Marcel Zadi Kessy, patron discret, bâtisseur enraciné, est parti comme il a vécu : sans bruit, mais pas sans trace.

Il n’a pas tenu.
Huit ans après son frère Bernard Zadi Zaourou, l’écrivain rebelle, Marcel l’a rejoint. Le sage a retrouvé le poète. Deux hommes que la politique séparait mais que le sang liait plus fort que les idées.

L’un était PDCI. L’autre fonda l’USD.
Mais tous deux rêvaient d’un pays debout.
Marcel est mort le 13 octobre 2020, à Abidjan, des suites d’une longue maladie. Et voilà que ce 13 octobre, jour pour jour, nous rappelle son départ — non comme une absence, mais comme une empreinte. Une lumière silencieuse dans la mémoire d’un peuple.

L’ancien président du Conseil économique, social et environnemental, ancien PCA de la CIE et de la SODECI, fut inhumé le 30 janvier 2021. Ce jour-là, un village tout entier retint sa respiration. Car Marcel n’était pas seulement un homme d’État. Il était le père d’une idée. Et cette idée a un nom : Yacoli.

L’homme qui croyait aux villages

Pendant que les grandes villes s’engloutissaient dans le bruit, lui regardait vers les racines. Pendant que d’autres misaient sur les plans nationaux, lui pariait sur le petit, le proche, l’intime.

À Yacolidabouo, il a bâti non pas des murs, mais une philosophie.
Le développement par le bas.
Une banque de proximité, une radio communautaire, une maternité, des écoles, une usine, des jeunes salariés, des vieux assurés. Du concret. Du durable. Surtout du collectif.

Il appelait cela le village-école.
Un lieu qui éduque, qui soigne, qui fait grandir.
Et où l’on vit avec dignité, sans fuir vers la capitale.

Un PDG aux mains propres, au cœur chaud

Marcel Zadi Kessy aurait pu tout avoir. Il n’a jamais voulu tout prendre.

Formé en France, il revient au pays comme un soldat du développement. À la SODECI puis à la CIE, il gravit les échelons, pas à pas. Il devient PDG. Mais ne devient jamais arrogant. Il serre les mains des chauffeurs. Ecoute les agents. Et surtout respecte les femmes de service. Il crée l’ASMAR, une couverture santé pour les retraités. Rares sont ceux qui pensent au futur des autres. Lui l’a fait.

Il répétait :

« Ce n’est pas parce qu’on est patron qu’on doit oublier d’être utile. »

Sa gestion ? Droite. Sa parole ? Pondérée.
Son style ? Rigueur sans raideur. Autorité sans autoritarisme.

Il faisait ce que beaucoup promettent, mais peu accomplissent : servir.

L’intellectuel enraciné

Mais Zadi Kessy ne fut pas qu’un gestionnaire. Il pensait. Ecrivait. Il doutait.
Ses livres sont encore là, calmes et solides comme lui :

  • Culture africaine et gestion de l’entreprise moderne (1998)

  • Développement de proximité (2004)

  • Responsabilité politique et développement (2007)

  • Renaissances africaines, conversations avec Jean-Luc Mouton (2010)

  • Le village-école (2013)

Dans ces ouvrages, il parle de corruption sans détour, mais aussi de l’Afrique qu’on peut aimer, réinventer, reconstruire. Une Afrique qui commence non à la présidence, mais au village.

Le politique de l’ombre

Marcel n’a jamais cherché les postes ministériels.
Il préférait l’efficacité à l’apparat.

Militant fidèle du PDCI, vice-président discret, il pesait fort dans la région ouest. Le « modèle Zadi », (la zone Zadi comme on l’appelait), fédérait autour de la paix, du dialogue, de la cohésion. Il rassemblait, sans s’imposer. Guidait, sans écraser.

Il disait :

« Si je m’aligne totalement, je perds la capacité d’impulser. »

Il savait que l’on ne construit pas un pays avec des cris. Mais avec des actes.

héritage

Ce qui reste

Il nous laisse une idée : celle que l’Afrique peut se prendre en main.
Un modèle : un village qui a défié l’abandon.
Il nous laisse une exigence : ne pas trahir ses rêves.

Des femmes de la CIE et de la SODECI ont créé une association : Esprit Marcel Zadi Kessy. Des jeunes de Yacoli le citent encore dans leurs discours. Et partout où l’on parle de développement durable, son nom revient.

Marcel Zadi Kessy n’est pas mort.
Il s’est répandu.

Dans un manuel.
Dans une école.
Et dans un sourire de paysan.

Derniers mots

Un jour, à un jeune ingénieur, il aurait dit :

« Bâtis d’abord les hommes. Le reste suivra. »

Il l’a fait.
Et c’est pour cela que
Lui parti, son œuvre respire encore.

Ce 13 octobre, nous ne commémorons pas une mort.
Nous célébrons une semence.

Repose en paix, bâtisseur.
Tu n’as pas seulement changé un village.
Tu as changé notre regard sur ce qu’un homme peut faire, quand il croit.

ALEX KIPRE

photo:dr

POUVOIRS MAGAZINE

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