Portrait. Pr Jean-Baptiste Anzouan Kacou : L’élu du cœur

4 semaines

Jean-Baptiste Anzouan Kacou, rappelé à Dieu le 21 septembre 2025, n’a pas quitté ce monde comme on ferme une porte. Il est parti comme on éteint une étoile.

Lentement, dignement. En silence. Et ce silence-là résonne.

Il reposera après-demain vendredi 10 octobre désormais à Moossou, terre paisible entre lagune et mémoire, là où les ancêtres regardent la mer. Une terre simple, mais fière, où le souffle des palétuviers dit encore les secrets des hommes justes. Là, il dormira, entouré des siens

Fils unique d’une fratrie de six, Jean-Baptiste est né le 4 janvier 1970 dans une constellation féminine: au milieu de femmes fortes, tendres et fidèles – sa mère Rosalie, son épouse Henriette, ses sœurs Marie-Marguerite, Évelyne, Gisèle, Patricia, Augustine, et sa fille Audrey.

Ce fut peut-être là sa première école : la délicatesse, l’écoute, la compréhension intuitive des cœurs. Et comme souvent dans les histoires que Dieu écrit, c’est dans le silence qu’il façonne ses élus.

L’autre homme de cet environnement son père, homme attentif, voit très tôt en lui une intelligence vive, presque trop grande pour son âge. Une âme précoce.

Son intelligence était une évidence.

Un éclat dans les yeux, une capacité rare à comprendre ce qui échappe à l’âge. Il n’a jamais eu besoin de s’imposer : sa présence suffisait. À Cocody, sur les bancs du Nid, puis à Notre-Dame de l’Afrique de Biétry, il brillait. Mais c’est au Lycée scientifique de Yamoussoukro, en 1984, qu’il devient ce qu’il a toujours été : un précurseur, un élève parmi les premiers, un leader naturel.

1987, le baccalauréat en poche l’élève de la 10e promotion, entre en faculté de médecine. Le cœur, déjà, l’appelle. Non seulement le cœur en tant qu’organe – complexe, fragile, majestueux – mais le cœur en tant qu’organe moral. Il devient cardiologue, oui, mais il restera surtout un homme de cœur. Un homme habité par une empathie rare. Ceux qui ont travaillé avec lui parlent de sa capacité d’écoute.

Ceux qui l’ont connu parlent de sa noblesse d’attitude. Sobre, précis, élégant jusque dans le pli de ses chemises, il portait des lunettes discrètes, comme pour mieux voir les autres.

Le 30 août 2002, il épouse le docteur Henriette Kissy.

Celle qu’il avait rencontrée bien plus tôt, au détour d’un regard et pour qui son cœur- l’organe- battait. Sur son le rebord de son autre cœur-le siège des sentiments- il fit asseoir Kissy. Sa vie ne bascula pas. Et s’équilibra de plus belle. Kissy celle qui habita la cité des cadres où il se rendait commercer avec ses cousins « les Tchicaya », ses amis « Les Zunon-Kipré » y avait élu domicile. Deux enfants naîtront de cette union : Philippe Arnaud Innocent, prénom hérité du grand-père, et Audrey, douceur incarnée. Son cœur de médecin battait aussi pour eux, pour sa famille, pour ses proches. Et pour son pays.

Professeur agrégé, chef de service, directeur médical et scientifique de l’Institut de cardiologie d’Abidjan, il fut aussi président de la Société ivoirienne de cardiologie. Mais derrière les titres – nombreux – il y avait une idée plus haute encore : celle du soin comme acte de justice. Soigner, pour lui, n’était pas une technique. C’était une manière d’aimer les autres, de leur tendre la main dans leur vulnérabilité la plus nue.

Il était de ceux qui parlent peu, mais disent beaucoup.

En octobre 2024, lors de la tribune du gouvernement, il avait rappelé que le stress, et non le café, était l’ennemi du cœur. Et dans cette phrase simple, il y avait tout : une connaissance rigoureuse, mais aussi une attention aux fausses peurs, à la panique qui abîme. Il voulait que les gens vivent, tout simplement. En paix. En santé.

Et pourtant, lui, est parti trop tôt. À 55 ans. Précoce dans la vie, précoce dans le départ. Mais n’est-ce pas la marque des âmes entières que de ne jamais traîner ? Il a vécu vite, mais pleinement, a dirigé, guidé, enseigné, aimé. Il était au milieu de ses maîtres très jeune. Anzouan-Kacou est devenu le maître très tôt, à son tour.

Sa levée de corps aura lieu ce jeudi 9 octobre, de 14h à 16h à Ivosep, salle Félix Houphouët-Boigny, puis il sera inhumé le vendredi 10 octobre à 8h30 au cimetière de Moossou. Ce mercredi 8 octobre, une veille religieuse sera célébrée en son honneur à la paroisse Saint-Jean de Cocody, de 20h à 21h30, et déjà les voix s’élèveront. Non pas pour le pleurer, mais pour dire merci. Merci d’avoir existé. Merci d’avoir éclairé.

Jean-Baptiste Anzouan Kacou, ce n’était pas seulement un médecin. C’était un témoin. Le témoin d’un temps où la compétence n’écrasait pas la bonté. Où la science ne faisait pas taire l’humilité. Où le leadership ne se hurlait pas, mais se chuchotait.

Il n’est plus là. Mais ceux qui l’ont croisé savent que certaines absences élèvent plus haut que toutes les présences.

ALEX KIPRE

photo:dr

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