Chroniqueurs et politiciens ivoiriens: spectateurs désinvoltes de leur propre vulgarité

3 semaines

En Côte d’Ivoire, les chroniqueurs — censés porter un regard critique, comme des intellectuels éveilleurs de consciences — se comportent, hélas, comme des politiciens, sans assumer les risques que ces derniers prennent du fait de leur métier.

Bref, ce sont des chroniqueurs qui s’affichent comme tels, mais qui, en réalité, ne sont que des politiciens. Il n’est donc pas étonnant qu’ils se transforment trop souvent en spectateurs désinvoltes de leur propre vulgarité.

N’est-ce pas là l’une des sources des malheurs à venir de la Côte d’Ivoire ? Car, manifestement, ils semblent préparer, par leurs rendez-vous quotidiens et/ou hebdomadaires, télévisés ou numériques, une guerre dans la conscience des Ivoiriens.

La parole médiatique s’effondre lorsqu’elle cède à tous les excès, particulièrement à l’insulte, aux accusations gratuites et mensongères. Ce n’est plus l’idée qui est servie, mais l’ego. Là où Bernard Zadi, Francis Wodié s’affrontaient avec distinction, où Niangoran Porquet et Souleymane Koly élevaient le débat, on assiste aujourd’hui à des règlements de comptes de bas étage, livrés à la foule. Le spectacle est permanent, mais la pensée y est ras de Pacrète, si elle n’est pas carrément absente.
(Note : l’expression « ras de Pacrète » semble être une tournure locale ou une allusion. Si c’est une faute ou un mot erroné, précisez-le pour correction.)

Ceux qui se disent journalistes ou chroniqueurs se donnent le droit de tout dire, à tout moment, comme bon leur semble, sans profondeur ni preuves à l’appui de leurs accusations.


Ils confondent liberté d’expression et caprice verbal.

Ils se croient rois parce qu’ils règnent sur un espace sans règles, sans déontologie, sans conscience du regard des jeunes qui les écoutent et les prennent pour modèles. Modèles d’arrogance ou de vacuité effarante.

Et cela pose une question politique profonde : que devient une société où l’espace public est livré aux mots blessants, aux egos surdimensionnés, à l’impunité bavarde, aux agressions verbales, sans le moindre souci moral ni esquisse de preuve ?
On peut ainsi piétiner la mémoire d’un disparu qu’on a soi-même vénéré, en proférant un propos du genre : « Untel te donnait l’argent. » Et tout cela se fait sous le regard et avec la réaction misérablement complaisante du modérateur-journaliste.

Plus inquiétant encore : ce relâchement, voire cette dérive verbale, trouve un écho dans les pratiques du personnel politique. L’un entre dans une église pour y faire campagne, l’autre s’allonge sur un trottoir avec un matelas pour provoquer. Un autre encore justifie une rébellion armée hier, puis demande aujourd’hui qu’on lui accorde du crédit pour son désir de paix. Tout semble permis.

Il est temps d’affirmer une vérité essentielle : le personnel politique n’a pas droit à tous les bonbons du magasin. Gouverner, représenter, parler publiquement implique des limites, des responsabilités. Il nous faut — nous, citoyens — apprendre à frustrer le pouvoir, à lui rappeler qu’il n’a pas tous les droits, même lorsqu’il pense incarner la légitimité.
Obéir aveuglément au politique n’est pas un devoir républicain, c’est une abdication citoyenne.

Le déséquilibre entre pouvoir et parole, entre démagogie et responsabilité, entre verbe et vertu, menace l’avenir du débat démocratique. Il faut retrouver le goût de l’élévation. Il faut rappeler que la parole publique — qu’elle soit journalistique ou politique — engage. Et qu’elle ne saurait se construire sur la défaite de la vérité et le triomphe de la moquerie.

ALEX KIPRÉ

photo:dr

POUVOIRS MAGAZINE

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