Pendant que le Ghana prospère sur les sentiers de la vertu et retrouve sa fierté, sur la rive ouest du fleuve Comoé, l’ancien îlot de stabilité flirte avec l’incertitude à chaque cycle électoral.
« Tomber comme Ghana ». La formule date des années 70-80. Elle s’est prolongée dans les années 90 avant de disparaitre du langage populaire. En vogue sur les bords de la lagune Ebrié, elle visait à fustiger les incessantes révolutions de palais à Accra, la faiblesse du Cedi. La monnaie ghanéenne et la fragilité des institutions de ce pays. A l’époque, le contingent des professionnelles du sexe, qu’on désignait communément « Sao » ou « Two-two » était essentiellement constitué de ressortissantes ghanéennes.
Pôle de stabilité
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Le Ghana, sous le magistère du capitaine Jerry John Rawlings s’est mué en un pôle de stabilité et de bonne gouvernance. L’imaginaire collectif ghanéen s’est converti à la démocratie. Un progrès qui lui a valu en juillet 2009, la visite de Barack Hussein Obama, le premier président métissé de l’histoire des Etats-Unis.
A l’Est, l’alternance est une réalité dénuée de fatalité. Preuve de cette maturité démocratique, la dernière présidentielle qui a consacré le retour au « Jubilee House », le nom du palais présidentiel de John Dramani Mahama (2012-2016) s’est une fois de plus déroulée sans violence. Au point de susciter une envie non dissimilée du côté d’Abidjan.
Les ghanéens ne sont plus obligés de reprendre le chemin de l’exil pour une élection. Les « two-two » et les « mastas » migrants économiques de l’époque sont retournés chez eux la tête haute. Le port altier. Effacée à force de résilience, d’éthique et de probité à la période des humiliations.
Pis-aller
A l’inverse, pendant que le Ghana prospère sur les sentiers de la vertu et retrouve sa fierté, sur la rive ouest du fleuve Comoé, l’ancien îlot de stabilité flirte avec l’incertitude à chaque cycle électoral.
Sous les cendres de l’exemplarité et du calme apparents, la Côte d’Ivoire se vautre dans le vice. La corruption, la violence, le déni de justice et de démocratie connaissent un regain de vitalité.
Pour couronner ces attitudes déviantes, le groupe d’action financière (Gafi) a placé le pays sur sa liste grise. Un tout petit effort et ce sera la liste noire. Consécration suprême du pis-aller.
Rôles inversés
Les rôles sont inversés. Dans les rues d’Accra, de Téma ou Takoradi, les « géreuses de bizzi », nouvelle appellation des entrepreneures du sexe sont ivoiriennes. Aux heures chaudes de la crise ivoirienne en 2011, ce sont les ivoiriens qui par milliers ont franchi la frontière ghanéenne et donné vie aux camps de réfugiés tels que celui d’Ampain.
Quatorze ans plus tard, en dépit de la fermeture de ces camps, de nombreux compatriotes refusent de retourner chez eux. Le 6 est devenu 9 !
Comment est-on parvenu à réaliser cet exploit ? A sept mois d’une autre présidentielle dont le cours tend à perpétuer la tradition, la question convoque ce qu’il reste de notre fierté nationale.
SCE: etau.net
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE