Dans un pays où les inégalités sociales sont aussi criantes que l’agonie de la misère, la question de la liste électorale mérite-t-elle vraiment toute l’attention qu’on lui accorde ?
Est-ce cela qui devrait occuper la priorité de nos dirigeants. Ou ne serait-ce qu’une autre diversion pour masquer les réels besoins de la population ?
Les politiciens ivoiriens, qui parcourent le pays de long en large – du sud au nord, de l’ouest à l’est – ne semblent plus avoir honte de leurs manœuvres. Ces déplacements sans fin, ces rencontres avec les villageois, ces poignées de main destinées à gagner des voix.
Même ceux qui sont nés dans le nord, comme un rituel d’illusion, n’hésitent pas à s’aventurer dans le sud ou dans le nord pour saluer, serrer des mains. Et se donner une image de proximité avec ceux qu’ils oublient dès que les élections sont terminées. Mais au fond, pourquoi aucun de ces candidats, depuis 1990, année du multipartisme en Côte d’Ivoire, ne demande à la population ce qu’elle désire réellement ?
Pourquoi aucune consultation véritable, à fortiori un référendum n’a-t-elle lieu ? Est-ce que les préoccupations réelles des Ivoiriens sont jamais prises en compte.
Ou bien sommes-nous condamnés à être des figurants dans un film dont le scénario ne nous appartient pas ?
L’opinion publique, on le sait, est de plus en plus radicalisée. Elle est alimentée par des médias qui semblent avoir perdu leur indépendance. Laissant la place à des activistes qui s’improvisent porte-paroles du peuple.
Ces derniers sont suivis avec ferveur, car beaucoup de citoyens croient qu’ils détiennent la vérité cachée, celle que les gouvernants refusent de dire. Pourtant, ce qu’ils ne réalisent pas, c’est que ce n’est toujours pas leur voix qui est entendue. Mais celle de ceux qui tirent les ficelles.
Maniant la peur et la manipulation avec une aisance déconcertante. En fin de compte, c’est toujours le peuple qui se retrouve être le dindon de la farce. Utilisé comme instrument d’un jeu de pouvoir dont il ne comprend que trop rarement les règles.
La question qui se pose alors est la suivante : pourquoi continuer à organiser des élections si coûteuses dans un pays qui peine à boucler son budget et qui n’a même pas de plan B pour faire face à un éventuel arrêt des aides internationales ?
Quand les États-Unis ou la France, par exemple, annoncent qu’ils coupent les vivres, avons-nous vraiment les moyens de tenir le cap ? Les pouvoirs fondent tous dans le moule d’un système qui ne fait que reproduire les mêmes erreurs. À ce rythme, les générations futures n’auront jamais l’opportunité de changer véritablement de cap.
Et pendant ce temps, les conditions de vie des Ivoiriens se détériorent. Pourquoi continuer à organiser des élections coûteuses alors que le pays n’a même pas les moyens d’offrir une vie décente à ses citoyens ? Des enterrements devenus hors de prix, une fête de Noël ou de Saint-Valentin qui pousse les gens à s’endetter pour offrir un peu de bonheur. Des cadres et citoyens ordinaires qui ne peuvent même pas se permettre un dîner au restaurant. Car l’inflation galopante a englouti leurs maigres salaires. Ces réalités sont loin des projecteurs des grandes élections. Pourtant, tout cela ne fait pas moins partie du quotidien des Ivoiriens.
Des hommes et des femmes modestes, honnêtes et travailleurs, qui paient leurs impôts, se battent chaque jour. Pour subvenir aux besoins de leur famille.
Mais qui n’arrivent même pas à se loger décemment à des prix abordables.
Cela fait honte, et pourtant, c’est la triste réalité de ceux qui, malgré leurs efforts, ne parviennent pas à s’en sortir.
Dans ce contexte, il devient évident que l’approfondissement de la crise socio-économique appelle à une réévaluation sérieuse des priorités nationales. Il est plus qu’urgent de revenir aux bases. De redonner une place de choix à l’éducation, à la santé, à la justice sociale. Plutôt que de s’acharner à faire de la liste électorale une priorité. Alors que le peuple, dans son ensemble, se débat dans la précarité.
Le temps est venu de comprendre que la politique ne doit pas uniquement servir les ambitions personnelles. Mais doit véritablement répondre aux attentes et aux besoins des Ivoiriens. Un changement est nécessaire, et il ne viendra pas des élections coûteuses et des promesses vaines. Il viendra d’un retour sincère aux préoccupations profondes de notre peuple.
ALEX KIPRE
photo: dr
POUVOIRS MAGAZINE