𝐃𝐨𝐜𝐭𝐞𝐮𝐫 𝐎𝐬𝐦𝐚𝐧 𝐂𝐡𝐞𝐫𝐢𝐟 porte une critique sur l’intervention du chef de l’Etat
C’est avec un sentiment de déception que j’ai suivi le discours du Président Alassane Ouattara. Ce discours, marqué par des auto félicitations triomphalistes et des promesses en décalage avec les réalités du peuple, mérite d’être critiqué sur plusieurs aspects :
1. 𝐋𝐚 𝐯𝐫𝐚𝐢𝐞 𝐚𝐧𝐧𝐨𝐧𝐜𝐞 𝐧’𝐚 𝐩𝐚𝐬 𝐞𝐮 𝐥𝐢𝐞𝐮, 𝐨𝐧 a 𝐞𝐮 𝐩𝐥𝐮𝐭ô𝐭 𝐝𝐫𝐨𝐢𝐭 à 𝐮𝐧 𝐝𝐢𝐬𝐜𝐨𝐮𝐫𝐬 𝐝’𝐮𝐧 𝐏𝐫é𝐬𝐢𝐝𝐞𝐧𝐭 𝐝é𝐜𝐨𝐧𝐧𝐞𝐜𝐭é 𝐝𝐞 𝐬𝐨𝐧 𝐩𝐞𝐮𝐩𝐥𝐞
Le peuple espérait une annonce majeure : le retrait d’Alassane Ouattara de la vie politique en 2025. En refusant de satisfaire cette attente maintenant, il plonge une majorité d’Ivoiriens dans une incertitude à la tristesse légitime. Après 14 ans de pouvoir et 3 mandats successifs confligènes, un tel geste aurait symbolisé un grand acte renouveau démocratique.
Le Président de la République aura 82 ans demain, il sera le deuxième président en exercice le plus âgé de la planète.. Il a préféré ignorer pour l’instant les appels au changement et au rajeunissement de la classe politique. Le peuple, en quête de nouveaux horizons, se sent abandonné par un dirigeant qui aurait pu marquer l’histoire autrement à cette date importante. Rien n’est encore perdu.
2. 𝐅é𝐥𝐢𝐜𝐢𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐞𝐭 𝐢𝐧𝐭𝐞𝐫𝐫𝐨𝐠𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐬𝐮𝐫 𝐥𝐚 𝐬é𝐜𝐮𝐫𝐢𝐭é 𝐧𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐚𝐥𝐞
Le retour des militaires ivoiriens arrêtés au Burkina Faso que le Président cite dans son discours est une victoire à saluer. Nous partageons la fierté du Président pour notre armée, pilier de la stabilité depuis 2011. Cependant, la décision de retirer le 43e BIMA de Côte d’Ivoire, rebaptisé après le départ des troupes françaises *CAMP OUATTARA THOMAS D’AQUIN*, à l’approche des élections de 2025, soulève des interrogations stratégiques. Pourquoi maintenant ? Y’a t-il un événement si important en 2025 qui demande que l’armée française ne soit plus là ?
3. 𝐒𝐮𝐜𝐜è𝐬 𝐬𝐩𝐨𝐫𝐭𝐢𝐟𝐬 𝐞𝐭 𝐮𝐧𝐢𝐭é 𝐧𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐚𝐥𝐞
La victoire historique de la Côte d’Ivoire à la CAN 2023 rappelé par le Président de la République est un moment d’orgueil collectif. Félicitations aux joueurs, au gouvernement et à toute la nation pour cette troisième Coupe d’Afrique des Nations. Cet exploit illustre notre potentiel à nous rassembler autour d’une cause commune, au delà des appartenances politiques.
De même, l’union nationale autour de la talentueuse Cheffe Zeynab Bancé est un bel exemple de solidarité. Si nous nous unissons ainsi pour lutter contre la cherté de la vie, les prix de l’huile, du riz et de l’électricité vont baisser. Rien ne peut devant la force d’un peuple mobilisé et uni pour une cause commune.
4. 𝐍𝐨𝐧, 𝐌𝐨𝐧𝐬𝐢𝐞𝐮𝐫 𝐥𝐞 𝐏𝐫é𝐬𝐢𝐝𝐞𝐧𝐭, 𝐧𝐨𝐭𝐫𝐞 𝐬𝐲𝐬𝐭è𝐦𝐞 é𝐝𝐮𝐜𝐚𝐭𝐢𝐟 𝐞𝐬𝐭 𝐞𝐧 𝐝é𝐜𝐥𝐢𝐧
On a entendu de gros éloges présidentiels sur le système éducatif ivoirien, pourtant la réalité est sombre : la Côte d’Ivoire est absente du classement des dix meilleurs systèmes éducatifs en Afrique selon le PASEC. Un pays avec un PIB plus faible comme le Cap-Vert fait partie de ce groupe d’élite. Nos écoles et universités peinent à répondre aux standards de qualité depuis que les différents ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur sous Alassane Ouatttara ont sapé le niveau de l’école et l’université ivoirienne. Cette autosatisfaction est injustifiée et ne reflète pas les catastrophes auxquelles nos élèves et enseignants sont confrontés.
5. 𝐒𝐲𝐬𝐭è𝐦𝐞 𝐝𝐞 𝐒𝐚𝐧𝐭é : 𝐥𝐞 𝐏𝐫é𝐬𝐢𝐝𝐞𝐧𝐭 𝐧’𝐚 𝐭𝐨𝐮𝐣𝐨𝐮𝐫𝐬 𝐩𝐚𝐬 𝐜𝐨𝐦𝐩𝐫𝐢𝐬 𝐥𝐚 𝐫é𝐚𝐥𝐢𝐭é 𝐚𝐥𝐚𝐫𝐦𝐚𝐧𝐭𝐞
Le Président affirme que 80 % des Ivoiriens vivent à moins de 5 km d’un hôpital 😭, mais 100% de ces hôpitaux dont-il parle ne respectent pas les normes internationales en matière de santé. Les CHU d’Abidjan et de Bouaké manquent régulièrement du minimum d’équipements fonctionnels, des appareils de scanners et IRM y sont bien souvent en panne, nos malades y sont souvent couuchés par terre, le personnel de santé est sous-payé et surexploité. Dans les zones rurales, trouver un simple appreil d’échographie fonctionnel relève du luxe. Quant à la CMU dont le Président de la République vante les 16 millions d’inscrits, elle reste inefficace et imposée au forcep, témoignant d’un fiasco structurel.
Plutôt que de construire de nouveaux établissements, comme le CHU d’Abobo ou l’Institut de cardiologie de Bouaké dans des zones où les hôpitaux sont déjà nombreux, il serait plus judicieux de remettre les infrastructures existantes aux normes et de construire un CHU dans chaque zone déserte comme à Abengourou, qui a été si négligé sur le plan de la santé durant ces 14ans.
6. 𝐂𝐡𝐞𝐫𝐭é 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐯𝐢𝐞 𝐞𝐭 𝐢𝐧é𝐠𝐚𝐥𝐢𝐭é𝐬 𝐬𝐨𝐜𝐢𝐚𝐥𝐞𝐬 : 𝐎𝐧 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐢𝐧𝐮𝐞 𝐝𝐞 𝐩𝐫𝐨𝐦𝐞𝐭𝐭𝐫𝐞 𝐝u 𝐯𝐞𝐧𝐭.
Pour réduire les inégalites sociales, le Président nous rappelle avec douleur la catastrophe organisationnelle que constitue le fameux programme des filets sociaux, qui promettait 36 000 FCFA par an pour les plus pauvres et qui devrait s’augmenter à 300milles en 2025. Ces sommes, étalées sur une année, sont si dérisoires face aux besoins réels, qu’elles constituent de quasi-insultes à la pauvreté de nos concitoyens. Que devrait-on faire avec 300milles FCFA par AN ? On comprend pourquoi la lutte contre la cherté de la vie, maintes fois promise, n’a jamais abouti, et la Côte d’Ivoire reste l’un des pays les plus chers d’Afrique selon les classements internationaux de 2024.
7. 𝐋𝐚 𝐣𝐞𝐮𝐧𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐬𝐚𝐜𝐫𝐢𝐟𝐢é𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐢𝐧𝐮𝐞𝐫𝐚 𝐬𝐨𝐧 𝐦𝐢𝐫𝐚𝐠𝐞
Le Président se félicite des « milliers » de bénéficiaires du programme jeunesse du gouvernement 😭, mais le peuple ne voit jamais aucun impact concret de ce programme. Avec un taux de chômage couplé aux emplois vulnérables qui avoisine les 90 % selon la BAD, la très large majorité des jeunes de notre pays restent marginalisés, sans perspective réelle d’avenir. On leur fait miroiter programme sur programme. Et le miliard par jour de 2024, on en fait le bilan quand ? Doit-on encore croire en ce gouvernement quand on est jeune ivoirien ?
8. 𝐘𝐀𝐊𝐎 𝐚𝐮𝐱 𝐝é𝐠𝐮𝐞𝐫𝐩𝐢𝐬
Le Président a encore promis d’indemniser et de reloger des déguerpis. Des déguerpis sensés déjà être tous relogés et indeminiser selon les discours enfumés du district d’Abidjan. Quelle contradiction !!! Donc combien de ces déguerpis dorment encore dans des conditions précaires sous des ponts ou à la belle étoile depuis leur expulsion à ce jour ? Les promesses de logements sociaux, annoncées depuis sa campagne 2010 ont été une fois de plus renouvelées, cette fois sans précisions sur les coûts mensuels de ces logements et sans nous dire les délais exacts où le pauvre peuple pourra en bénéficier. Cela s’apparente à des engagements en l’air. Les promesses n’engagent vraiment que ceux qui y croient.
9. 𝐓𝐮 𝐚𝐬 𝐝𝐢𝐭 𝐀𝐌𝐈𝐍𝐈𝐒𝐓𝐈𝐄 ?
Beaucoup ont été surpris. Aucune mention d’amnistie pour Laurent Gbagbo et Blé Goudé, une demande pourtant plébiscitée par une grande partie du peuple. De plus, notre Président de la République annonce la transparence et l’apaisement pour l’élection présidentielle de 2025 mais prend bien soin de ne pas citer « d’inclusivité ». Tous ses potentiels concurrents pourront-ils vraiment être candidats en 2025 ? Une élection non-inclusive ne peut être transparente et apaisée Monsieur le Président.
10. 𝐆𝐞𝐬𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞𝐬 𝐟𝐢𝐧𝐚𝐧𝐜𝐞𝐬 𝐩𝐮𝐛𝐥𝐢𝐪𝐮𝐞𝐬, 𝐛𝐨𝐧𝐧𝐞 𝐠𝐨𝐮𝐯𝐞𝐫𝐧𝐚𝐧𝐜𝐞, 𝐥𝐮𝐭𝐭𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐥𝐚 𝐜𝐨𝐫𝐫𝐮𝐩𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐞𝐭 𝐛𝐥𝐚𝐧𝐜𝐡𝐢𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐞 𝐜𝐚𝐩𝐢𝐭𝐚𝐮𝐱 ?
Le Président felicite dans son discours « la gestion saine de nos finances publiques. » On ne sait pas si on devrait en pleurer ou en rire. Pas une année n’est passée en Côte d’Ivoire, de 2011 à 2024, sans que des scandales financiers impliquants des membres de l’administration publique n’aient éclatés. Oui il faut une attention particulière à cette lutte Monsieur le Président, mais cette attention doit débuter par ceux qui sont autour de vous.
𝐂𝐨𝐧𝐜𝐥𝐮𝐬𝐢𝐨𝐧
Le discours du Président de la République, ce 31 décembre 2024, frappé d’un optimisme de surface, illustre un profond décalage avec les attentes du peuple. Oui, certaines réussites méritent d’être saluées, mais elles ne sauraient occulter les faiblesses criantes de notre système éducatif, sanitaire et économique. En 2025, la Côte d’Ivoire a besoin d’un véritable renouveau, fondé sur des actes concrets plutôt que des paroles creuses.
Docteur Osman Cherif
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE