Si Tidjane Thiam veut gagner en 2025…

4 heures

Entre murmures internes et défis électoraux, le président du PDCI devra sortir le grand jeu pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés.

Face à une machine présidentielle bien décidée à ne rien céder. La présidentielle de l’année prochaine s’annonce des plus épiques quand on connaît les grandes ambitions que le vieux parti s’est fixées. Reprendre le pouvoir là où ils l’avaient laissé, fulminent-ils. Toutefois, ont-ils réellement idée des énormes obstacles à franchir ?

Tout d’abord, ce soupçon de népotisme qui a émaillé l’accession de Tidiane Thiam à la tête du parti d’Houphouët-Boigny. Si les langues feignent de se délier publiquement, certains ont moyennement apprécié la quasi-diligence que les cadres du parti ont déployée en vue de son élection. Ce prisme du lègue par la filiation passe difficilement, ne serait-ce que dans la forme. Sortir de ce relent tribaliste aurait sans doute donné un sacré coup dans la fourmilière. Parce qu’en 2024, ça sonne extrêmement faux de brandir la fibre régionale et ethnique. Ce n’est pas un gage.

Ce débat est obsolète et l’Afrique doit vivement en sortir.

La gestion des cas Guikahué et Billon reste également épineuse. Le premier, résigné, est rentré dans les rangs, tandis que le second récuse cette idée, estimant qu’il n’est pas moins méritant. Tout en revendiquant ses faits d’armes dans le parti.

Il est d’ailleurs candidat déclaré pour la primaire en vue de la présidentielle de 2025. Des désaccords internes qui peuvent fragiliser le successeur d’Henri Konan Bédié. Qu’à cela ne tienne, le polytechnicien détient désormais les rênes de la maison, là où un changement de paradigme aurait envoyé un tout autre signal à l’électorat ivoirien.

Une chose est certaine, Tidiane Thiam présente le meilleur profil pour représenter les couleurs du PDCI. Personnage peu clivant, il apparaît comme un nouveau souffle dans une arène politique ivoirienne que les compromissions ont gangrenée. Que les migrations alimentaires et autres allégeances pécuniaires ont aussi gangrenée.

Ce culte des « postes » qui fait courir bon nombre de politiciens en Eburnie. Raison de plus pour rester vigilant quant au casting de son équipe. Ces derniers devront jouir d’une probité irréprochable et incarner des valeurs de travail et de mérite. Une équipe inspirante qui tranche avec ce griotisme crétin qui a pignon sur rue sous nos tropiques.

Il est indéniable que Tidiane Thiam jouit d’une aura naturelle.

Ce charisme dont la vitalité ravive une certaine flamme vacillante auprès des électeurs.

Son image distinguée de super cadre international au fait des problèmes économiques et des enjeux auxquels le pays est confronté est une réelle plus-value. Il a le diagnostic pertinent et factuel du polytechnicien.

Pour preuve, la réaction brinquebalante du camp présidentiel face à la question de l’IDH qu’il a suscitée a conforté beaucoup dans sa capacité à lever les lièvres. Sur la situation économique et sociale du pays. On voit bien comment ses moindres sorties suscitent la frayeur au sein d’un parti au pouvoir friand de louanges. Et peu enclin à la contradiction sur des questions structurelles.

Aussi, le président du PDCI renvoie, dans l’imagerie collective, à un renouvellement du personnel politique. Il tranche d’avec ce fameux trident, tributaire d’une longue querelle qui a fait sombrer la Côte d’Ivoire dans un conflit de trois décennies.

Cela dit, le chantier qui mène au salon des pas perdus est à la fois vaste et herculéen. Face à une démographie électorale en pleine mutation, les défis sont énormes. Aucun parti, en l’état actuel, ne peut prétendre détenir une majorité absolue.

L’enrôlement des potentiels électeurs du banquier ivoirien demeure une question cruciale, là où le RHDP dispose d’une longueur d’avance. Les républicains capitalisent sur leur grande capacité à mobiliser leurs militants, habitués aux grandes démonstrations de force.

C’est un électorat structuré, discipliné et conscient des enjeux. Là où celui du PDCI est disparate, embourgeoisé, et peine à rallier les indécis. Le vieux parti devra ranimer la ferveur auprès d’une jeunesse dégoûtée par la politique.

Ces jeunes, dont l’évocation du PDCI désigne une organisation vétuste, clanique (à l’image de tous les autres partis) et très peu progressiste.

En termes de marketing et de communication politique, il y a un retard abyssal à combler.

S’il est vrai que les sorties médiatiques du secrétariat général connaissent un relatif succès, les actions restent confinées vers une cible élitiste.

La politique a changé, et les démocrates doivent se réinventer en s’invitant sur le terrain de la mobilisation de masse. Sortir du stéréotype du parti vieillot, coincé dans de gros pagnes de conventions. Célébrant un passé hypothétique, nostalgique, disparu. Il faut séduire un nouvel électorat au-delà des obédiences.

En la matière, le retour en force dans l’opinion du spectre Gbagbo et sa figure quasi “divine” auprès de ses sympathisants compliquent un peu plus la tâche de Thiam. Une opération séduction loin d’être acquise quand on sait l’idolâtrie que le président du PPACI suscite dans le subconscient de ses partisans.

Ravir le leadership de l’opposition ivoirienne au mastodonte Gbagbo s’avère un parcours de combattant. Qui plus est, à l’ère de la rupture du cordon colonial, où il incarne pour beaucoup le visage d’un panafricanisme décomplexé. Quand Tidiane Thiam, en revanche, reflète le stéréotype parfait des rapports incestueux avec la France.

Jusque-là muet sur les thématiques liées à la monnaie et à la souveraineté, l’opinion panafricaine l’a déjà cloué au pilori. Et l’identifie comme le prochain collabo idéal avec l’Élysée. Il sera donc attendu sur cette question éminemment politique.

Bien que disposant du pédigrée accompli pour s’inscrire dans la continuité de la Françafrique 2.0.

Un changement de paradigme renverrait un message clair aux souverainistes et donnerait un élan considérable à sa posture présidentielle.

En a-t-il les ressorts ?

Serait-ce utopique de préjuger qu’un intellectuel adoubé par la haute finance mondiale puisse nager à contre-courant ? Une équation de plus à résoudre.

Tidiane Thiam a-t-il intégré que la violence fait partie du jeu électoral en Côte d’Ivoire ? Lui qui ne cesse de se plaindre d’avoir été menacé par des hommes en treillis en décembre 1999. C’est un aveu d’échec de l’avouer, de l’évoquer même, et c’est bien dommage.

En espérant ardemment que la présidentielle devienne un long fleuve tranquille à parcourir, et c’est le vœu de tous les Ivoiriens, l’ex-PDG du Crédit suisse doit inclure cette éventualité en vue de préparer sa résilience. Il fera face à l’intimidation physique, le débat volera très bas parfois, ses origines seront honteusement évoquées.

Sera-t-il prêt à répondre à ces obstacles avec élégance ? Son équipe en fera de même ? Quelle est sa stratégie pour parer à l’hypothèse d’une victoire confisquée ? Autant d’énigmes qui jonchent le chemin ô combien tortueux qui mène au fauteuil présidentiel, auquel Tidiane Thiam devra se confronter. Pour être à la hauteur du challenge.

LOIC DAMAS

photo: dr

POUVOIRS MAGAZINE

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