La réforme institutionnelle en Côte d’Ivoire : le véritable enjeu !

6 mois

Dr F. SAKO propose une réflexion de haut vol sur les tensions en Côte d’Ivoire et en décortique les raisons.

Depuis plusieurs décennies, la Côte d’Ivoire est le théâtre de tensions récurrentes émanant de divers acteurs politiques. Et de diverses structures sociales, qu’elles soient étudiantes, syndicales ou issues de la société civile.

Ces tensions, souvent exacerbées à l’approche des échéances électorales, mettent en lumière une réalité plus profonde. L’inefficacité criarde de la voûte institutionnelle  de notre pays.

Le cas récent de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) et des violences qui lui sont associées. Notamment l’assassinat de l’étudiant Mars Aubin Deagoué Agui, illustre bien cette impasse. L’émotion créée et la réaction opportuniste (quoique salutaire) des autorités risquent de voiler l’enjeu essentiel qu’est la réforme institutionnelle qui n’est malheureusement pas encore installée dans le débat politique à un an de l’élection présidentielle

Le syndicalisme, qu’il soit étudiant ou autre, en Côte d’Ivoire, fait face aux mêmes défis que toutes les associations et toutes les activités sociales : une instrumentalisation systématique par les pouvoirs en place, qui ne cherchent pas à garantir leur indépendance, mais plutôt à les utiliser à des fins politiques.

En effet, toutes les recommandations de progrès socio-économiques contenues dans les projets politiques ou les tribunes de nos intellectuels, aussi bien intentionnées qu’elles soient, resteront pieuses tant que notre régime politique restera marqué par le présidentialisme, l’hyper-personnalisation du pouvoir et l’absence de contre-pouvoirs effectifs.

Nous le savons tous, une justice indépendante, une presse libre et un parlement fonctionnel sont les fondements d’un État de droit, et tant que ceux-ci ne seront pas garantis, toute tentative de réforme ne sera qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Et aussi toutes les belles promesses de bien-être pour le peuple ne relèveront que de la volonté d’un homme, qu’il soit celui d’aujourd’hui ou celui de demain !

Le cas  FESCI : un symptôme d’un mal plus profond

La FESCI, syndicat étudiant qui a vu le jour à la fin des années 1990, est devenu l’exemple parfait d’un mouvement. Lequel, à l’origine, prétendait  défendre les droits des étudiants. Mais qui a rapidement été mis en scène par un parti politique pour déstabiliser ses adversaires. Instrumentalisée par les pouvoirs successifs, qu’ils soient civils ou militaire, la FESCI a vu ses objectifs originels dévoyés. Cela au profit de stratégies politiciennes visant à affaiblir l’opposition. Le contexte actuel n’échappe pas à ce constat.

Après 14 années de complicité silencieuse entre la FESCI et le “parrain” du moment, ce syndicat étudiant se retrouve soudainement confronté à la justice après un énième assassinat.

Pourquoi maintenant ? Parce que ce dernier incident, survenu dans un contexte préélectoral, nuit gravement à l’image et à la communication d’un certain camp. A l’approche des élections présidentielles prévues dans moins de 12 mois. Le pouvoir se voit donc contraint d’agir face à la clameur publique. Mais ne nous trompons pas. cette réaction, bien que bienvenue, est d’abord motivée par des considérations électorales plutôt que par un véritable désir de réforme.

Il est donc illusoire de croire que la FESCI, ou tout autre syndicat ou association, pourra fonctionner de manière indépendante. Et (éventuellement) profitable à la communauté nationale tant que notre système politique permettra cette instrumentalisation systématique par les partis politiques au pouvoir. La véritable question n’est pas celle des dérives spécifiques de la FESCI. Mais bien celle d’un système qui permet, voire encourage, de telles manipulations néfastes.

L’hyperprésidentialisme : père de tous les vices politiques en Afrique

Le véritable problème réside dans cette structure politique qui concentre le pouvoir dans les mains d’un seul homme, le Président. Et qui transforme les institutions censées contrebalancer ce pouvoir en simples instruments aux ordres. Cette concentration du pouvoir explique pourquoi toutes les réformes proposées ne sont que des vœux pieux. L’illusion d’un débat démocratique est maintenue, alors que dans les faits, les syndicats,  la presse. Et même la justice restent sous la coupe du pouvoir en place.

C’est pourquoi, tant que cette situation persistera, vouloir corriger les dérives dans les milieux sociaux ou universitaires par des recommandations souvent pertinentes. Mais nécessitant la bonne volonté des dirigeants en place revient à demander au pyromane d’éteindre l’incendie qu’il a lui-même provoqué. La FESCI, tout comme d’autres mouvements sociaux, n’est qu’un outil parmi d’autres dans cette vaste mécanique d’instrumentalisation politique.

Le rôle clé des partis d’opposition et du PDCI : une réforme nécessaire et attendue

Il revient donc aux partis d’opposition de prendre conscience de l’urgence de la situation. Leur rôle ne doit pas se limiter à critiquer les dérives du pouvoir, mais bien à proposer une réforme institutionnelle profonde. Le modèle à suivre existe déjà, et l’exemple du mouvement PASTEF au Sénégal est révélateur. Ce mouvement a osé faire de la réforme institutionnelle la priorité numéro 1 de son programme. Appelant à la réduction des pouvoirs présidentiels et à la mise en place de contre-pouvoirs effectifs. Et sa victoire éclatante prouve que les populations savent faire la part des choses et qu’elles n’attendent pas que de l’eau et du pain.

Il est crucial que les partis d’opposition ivoiriens et notamment le PDCI s’inspirent de cet exemple et s’engagent (ET LE FASSENT SAVOIR) dès maintenant dans un projet de réforme des institutions. Afin de limiter l’hyperprésidentialisme qui est la source de tant de vices politiques en Afrique. Il s’agit d’une attente forte de nos populations, qui aspirent à un véritable État de droit, où les pouvoirs sont équilibrés. Et où la démocratie ne se résume pas à un simple exercice de façade. Et cette réforme institutionnelle conditionne le développement qualitatif de notre Communauté. Elle est nécessaire pour espérer réussir un nouveau pacte national !

Toute autre posture qui voudrait l’ignorer  crédibilise l’idée,  généralement répandue chez les ivoiriens, qui prétend que rien ne changera et que ce sont les mêmes qui veulent chasser d’autres “cousins” pour faire les mêmes choses ! Tous pareils ???

Ne nous méprenons pas : la construction d’une démocratie fonctionnelle passe par une réforme en profondeur de notre système institutionnel. C’est la seule voie vers une société plus performante, plus juste, plus solidaire et plus inclusive. Où chaque citoyen, étudiant ou travailleur, pourra s’exprimer librement et participer à l’édification d’une nation véritablement démocratique. C’est aussi et surtout la vraie garantie de tenir des promesses électorales de changement.

Que les partis,  et notamment le PDCI,  retiennent que le pays a plus besoin d’institutions fortes pour son développement durable. Plutôt que d’hommes forts ou providentiels ! Et que les mêmes pratiques ne pourront produire que les mêmes résultats.

Dr F. SAKO

photo: dr

POUVOIRS MAGAZINE

OPINIONS

DU MEME SUJET

13 avril: Fofana, pas un fils à Papa

✨ Le 13 avril célèbre la naissance d’un bâtisseur, David Fofana, pionnier

13 avril: Burkina-Côte d’Ivoire, ils font face au terrorisme

4 ANS DÉJÀ : LE 13 AVRIL 2021, LA CÔTE D’IVOIRE ET