Yasmina Reza: « la justice est poreuse et l’illégal n’est pas le maléfique »

2 mois

Dramaturge, écrivain, actrice, l’auteur de « Récits de certains faits »  qui est sorti à l’instant Yasmina Reza plonge dans la complexité humaine et en parle dans cette interview

Le tribunal et le roman restent les rares endroits où l’on cherche à comprendre le cas particulier. Faites-vous un parallèle entre le travail du procès et celui de la littérature ?

Oui, c’est une observation juste. Chaque affaire judiciaire est unique, tout comme les événements de ma vie qui composent ce livre. Tous traitent de cas particuliers. C’est la seule chose qui m’intéresse, car le particulier, multiforme, inclut aussi le comique et l’absurde. Cela a toujours une valeur universelle.

Vous semblez parfois agacée par certaines victimes et apitoyée par certains coupables… Cette nuance semble aujourd’hui difficile à exprimer…

La victime ne se résume pas à son statut, tout comme le prévenu ou l’accusé. Je ne les vois jamais sous cette perspective identitaire. Ce sont des hommes et des femmes, naviguant dans la complexité de la vie, comme nous tous. Leur statut lors du procès ne m’impressionne pas. Je n’exerce pas le jugement, mais j’observe avec ma sensibilité, sans être conditionnée par le climat sociétal.

Y a-t-il un risque, selon vous, de voir la justice asservie aux humeurs de l’époque ?

C’est inévitable. Vous dites « de plus en plus »… Par rapport à quand ? La justice est poreuse à son époque. Les législateurs et interprètes ne vivent pas dans une bulle. Dans un des chapitres, je mentionne l’asservissement aux humeurs actuelles, car le personnel judiciaire dans ce procès m’a semblé médiocre. Mais je ne vais pas généraliser.

Dans cette plongée dans la misère humaine, on croise des criminels méticuleux, des pauvres types et des escrocs. Croyez-vous à la banalité du mal ?

Je ne considère pas mon livre comme une plongée dans la misère humaine. Il y a aussi beaucoup de drôlerie et de fantaisie, même dans les pires situations. Souvenez-vous de l’homme qui a tenté de tuer une femme et qui, en plein procès, rit d’une plaisanterie de sa victime.

Je cherche toujours à extraire le léger ; la noirceur totale n’est pas la vérité. Les existences sont accidentées et inégales. Chaque individu tente de naviguer dans le monde. Les crimes, eux, varient en nature. Certaines personnes déraillent, souvent à cause de choix absurdes ou d’enchaînements malencontreux. Le terme « mal » est à manier avec précaution. Tout acte illégal n’est pas nécessairement maléfique.

Lorsque Hannah Arendt évoque « la banalité du mal », elle parle de l’absence de réflexion et de déresponsabilisation face à des actes terribles.

Vous traitez dans ce livre de plusieurs infanticides. Êtes-vous particulièrement intéressée par cette violence commise par des mères ?

Il y a trois infanticides de nature très différente. Je ne cherchais pas à écrire sur des infanticides ; ces cas se sont présentés à moi. Ces actes sont plus fréquents qu’on ne le pense, et les raisons sont multiples. Dans les situations que j’ai abordées, l’enfant devient un poids insupportable, et l’avenir semble inexistant. Dans deux cas, la mère souhaitait aussi disparaître. C’est un acte de désespoir et de toute-puissance.

Le meurtre de l’enfant est un crime perturbant, fascinant, qui contredit toutes les images de la maternité. Médée, par exemple, est l’un des personnages qui ont inspiré la littérature pendant des siècles.

Propos retranscrits par

HARON LESLIE

photo:dr

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