Amélie Nothomb, l’écrivaine belge célèbre pour son style singulier et ses explorations de thèmes personnels et universels, revient avec son 33e roman, “L’Impossible Retour”.
Ce livre signe un retour littéraire au Japon, un pays qui a profondément marqué sa vie et son œuvre. Elle y a vécu jusqu’à l’âge de cinq ans et y est retournée à 21 ans pour travailler, ce qui a inspiré l’un de ses romans les plus connus, “Stupeur et tremblements“.
Dans “L’Impossible Retour”, Nothomb explore les complexités de l’exil et du déracinement. Elle évoque le Japon non seulement comme un lieu géographique mais aussi comme un espace de mémoire et de sentiments ambivalents. Elle déclare être “allergique au départ“, une aversion née de son enfance marquée par les nombreux déménagements liés à la carrière diplomatique de ses parents. Chaque départ, même pour des raisons positives comme les vacances, lui cause un profond traumatisme.
L’autrice décrit le vide au Japon comme une expérience unique : “Le vide, c’est la merveille, c’est ce que l’on recherche. Le vide, c’est l’occasion de vivre enfin.” Ce vide, loin d’être synonyme de néant, représente un état de méditation et de plénitude. Une opportunité de se reconnecter à soi-même.
Un hommage silencieux au père
Le roman est aussi un hommage implicite à son père, une figure récurrente et insaisissable dans ses écrits. Décédé au début de la pandémie de Covid-19, il reste une présence fantomatique mais palpable dans “L’Impossible Retour”. Nothomb se remémore la retenue paternelle et le regard de son père face à la beauté du temple Kiyomizu-dera au Japon. : “Il ne disait presque rien mais son visage montrait des précipices, comme si cette beauté le ravageait.” Elle se reconnaît dans cette expression d’admiration silencieuse, marquée par une intensité émotionnelle contenue.
Son père, dont elle évoque les multiples facettes – diplomate, sauveur de vies, chanteur de nô – avait une modestie quasi déconcertante. Se voyant lui-même comme “un zéro pointé”. Ce manque de reconnaissance de soi, hérité de son père, interroge Nothomb sur ses propres perceptions et attentes.
“L’Impossible Retour” se déroule comme un récit de voyage introspectif, oscillant entre lenteur méditative et contemplation. Nothomb semble se détacher d’une quête acharnée de reconnaissance et d’admiration, pour adopter une attitude plus sereine et réfléchie face à la vie et à ses souvenirs. Elle oppose à l’impatience de son amie Pep un renoncement confiant. Se permettant enfin de trouver la quiétude dans l’incertitude et la complexité de ses sentiments pour le Japon et pour son père.
En citant le poète japonais Bashô, “Aux admirateurs de lune, un nuage parfois offre une pause”, Nothomb suggère que parfois, il est nécessaire de faire une pause. D’accepter les interruptions et les changements, pour mieux apprécier la beauté et la profondeur de nos expériences.
Ce 33e roman d’Amélie Nothomb est une œuvre qui résonne profondément avec la recherche de soi, l’exploration de la mémoire. Et l’acceptation des aspects insaisissables de la vie.
HARON LESLIE
photo: dr
POUVOIRS MAGAZINE