Les récents suicides en Côte d’Ivoire ont suscité une profonde inquiétude et une attention médiatique accrue.
En avril, deux suicides au sein de l’armée ont été signalés. Un adjudant a tué sa femme avant de se suicider à Bingerville. Et un médecin lieutenant-colonel s’est tiré une balle à Yopougon.
Le 9 juillet, un gendarme d’Attécoubé a sauté du pont Général-de-Gaulle à Abidjan. Le lendemain, un étudiant de Port-Bouët II s’est suicidé en sautant du troisième étage de son campus universitaire. Le 14 juillet, un autre étudiant s’est pendu à Danané.
Ces tragédies ont rapidement dominé les gros titres. Des publications s’en sont suivi: « Côte d’Ivoire, le paradis des suicides », et « nouveau sport national ». Cette médiatisation a relancé le débat sur la santé mentale en Côte d’Ivoire.
L’opposition et la société civile ont dénoncé ces suicides comme le reflet d’une population en détresse. Laurent Gbagbo, lors d’un meeting, et Pulchérie Gbalet, sur Facebook, ont tous deux évoqué la corrélation entre pauvreté et taux de suicides élevés.
Le père jésuite Jean Messingué, directeur du Centre de counseling et de pastorale clinique (Copac), a lui aussi fait une sortie. Il a déclaré que la recrudescence des suicides indique un mal-être social profond, notamment parmi les jeunes.
23 suicides par an
Médard Koua Asseman, coordinateur du Programme national de santé mentale (PNSM), a lui aussi fait une sortie. Il souligne que bien que le taux de prévalence des suicides n’ait pas augmenté en 2024 par rapport à 2023, leur médiatisation a permis de remettre le sujet sur le devant de la scène. Il critique toutefois le discours souvent culpabilisant et fataliste des médias, appelant à aborder le suicide comme un problème de santé publique.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a soutenu une étude qui a recensé 418 suicides et 927 tentatives en Côte d’Ivoire entre 2019 et 2021.
Selon une autre étude, le pays compterait 23 suicides par an, un chiffre probablement sous-estimé. Médard Koua Asseman indique que la Côte d’Ivoire est le premier pays d’Afrique francophone à avoir instauré un système de notification des suicides. Mais souligne que les suicides restent sous-déclarés, notamment en milieu rural, par peur de la stigmatisation.
Il est crucial que la société ivoirienne reconnaisse la gravité de la situation. Et prenne des mesures pour soutenir les personnes en détresse psychologique. La sensibilisation, la déstigmatisation et l’accès à des soins appropriés sont essentiels pour inverser cette tendance alarmante.
ETHAN GNOGBO
photo: dr
POUVOIRS MAGAZINE