Opinion. La mort de la confrontation des idées dans les Universités

7 mois

Le Professeur Jean-Francis Alger Ekoungoun regrette la mort des chocs des pensées dans les temples de savoir. Ces sont les Universités.

Brève histoire des conférences à l’Université de Cocody sous Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo

Sous le pouvoir d’Alassane Ouattara, les autorités de l’université Félix Houphouët-Boigny ont refusé l’organisation de deux conférences-débats sur le campus. L’une portant sur le CFA et l’autre sur l’UA (le Panafricanisme).

La première avait initialement pour orateur Prof. Mamadou Koulibaly. Le Prof. AKA Brou Emmanuel de l’UFRSEG, économiste et monétariste de l’Université FHB-Cocody le remplacera. La seconde conférence était l’affaire du Dr. Ahoua Don Mello.

Le Président Houphouët-Boigny dont l’Université de Cocody porte le nom doit vraisemblablement se retourner dans sa tombe. Le Président Henri Konan Bédié (Paix à son âme) qui a été récemment porté en terre doit en faire autant.

Dr. Ahoua Don Mello.

Quant au Président Laurent Gbagbo, il est certainement en train de méditer sur cette cocasserie anti-démocratique. Cocasserie de trop des militants du RHDP placés à la tête de nos universités.

Historiquement, d’Houphouët-Boigny à Gbagbo Laurent en passant par le Président Henri Konan Bédié, l’Université de Cocody en a toujours abrité. Des conférences-débats sur des questions nationales et internationales. Sans que les cuisses de Jupiter ne se referment sur le « Temple du Savoir » (Université) ni sur la Côte d’Ivoire toute entière. Par ailleurs, aucun de ces Présidents n’a organisé ou fait organiser une cérémonie d’hommage à sa gloire dans toutes les Universités du pays.

Pourquoi le régime du RHDP déroge-t-il à la règle sacro-sainte des franchises universitaires jusqu’à interdire l’organisation de conférences à l’Université. Mais il organise paradoxalement des cérémonies d’hommage au Président Ouattara. Ces cérémonies dans lesdites universités que créé et finance l’argent public ?

1er Mars 1990

Conférence-débat à l’Amphi Léon Robert de l’Université de Cocody. Thème : « ANALYSE DES EVENEMENTS ACTUELS A L’UNIVERSITE DE CÔTE D’IVOIRE ».

Créé en 1966 (officialisé en 1968), le Syndicat National de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (SYNARES), est à l’initiative de la première conférence-débat. Sous Houphouët-Boigny. C’était à l’Université de Cocody, le Synares s’est toujours donné pour mission d’être à l’avant-garde des luttes. Luttes pour la conquête des libertés en Côte d’Ivoire. Et l’amélioration des conditions de vie et de travail des enseignants et chercheurs. « Le SYNARES ne peut s’affilier à aucun groupement politique ou confessionnel. Il se réserve, cependant, le droit de se prononcer sur tout problème national en relation avec l’Éducation. Avec aussi la Formation, la Recherche ou sur tout problème qui engage l’avenir de la nation tout entière. » (Art. 2, titre I, Statuts du SYNARES amendés par le IIe Congrès ordinaire, Abidjan 13, 14, 15 mai 1984 et repris par le Congrès du 06 Mars 1996).

S’appuyant sur ses textes fondateurs, c’est donc sans surprise que le SYNARES a organisé la résistance des travailleurs en 1990. C’était face au plan KOUMOE Koffi et l’offensive des patriotes pour la réinstauration du multipartisme.

MARCEL ETTE

En effet, Marcel Etté, SG du SYNARES, convoque une Assemblée Générale extraordinaire. C’était le jeudi 1er mars 1990, à 18h, à l’amphithéâtre Léon Robert de la faculté des lettres de Cocody. Ordre du jour : « ANALYSE DES EVENEMENTS ACTUELS A L’UNIVERSITE DE CÔTE D’IVOIRE ». Le SYNARES décide de s’engouffrer, avec toute l’ampleur de ses moyens humains et politiques, dans la brèche ouverte par les étudiants en mouvement.

Jeudi 15 mars 1990, Félix Houphouët-Boigny annonce d’importantes mesures d’austérité. Les leaders syndicaux appellent à la grève générale.

Le SYNARES publie un tract intitulé « AUTOPSIE DE L’ECONOMIE IVOIRIENNE » qui fera date dans l’histoire des luttes politiques en Côte d’Ivoire. Après avoir dit « Non à toutes les réductions des salaires », le SYNARES fait une affirmation. Elle dit clairement que « LES IVOIRIENS POSENT DESORMAIS LA QUESTION DE LA DEMOCRATIE, C’EST-A-DIRE DE L’ABOLITION DU SYSTEME DU PARTI UNIQUE ». Six semaines plus tard, on officialise le MULTIPARTISME sous la pression du SYNARES. Et d’autres OSC, surtout grâce aux débats contradictoires autorisés par le régime d’Houphouët-Boigny.

On aurait pu retarder l’avènement du multipartisme en Côte d’Ivoire. N’eussent été les conférences-débats structurées et organisées par les organisations de la société civile.

8-10 février 1996.

L’Université de Cocody (ESIE) abrite le colloque international sur les « FRANCHISES UNIVERSITAIRES ET LES LIBERTÉS ACADÉMIQUES« .

Le SYNARES, avait organisé ce colloque, sous le régime du Président Henri Konan Bédié. Le représentant du ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation technologique était le Professeur Saliou Touré. Il avait exprimé la joie de la tutelle de parrainer cette activité scientifique.  « Au regard de l’actualité politique et de ses répercussions sur la vie sociale, ce colloque porte sur un thème dont l’actualité n’est plus à démontrer. Mes sincères remerciements aux délégués des organisations syndicales du Burkina Faso. Et du Sénégal qui vont alimenter de leurs expériences respectives cette importante réflexion sur l’un des aspects majeurs de la vie dans nos universités.

A en juger par les thèmes des différentes communications inscrites au programme du présent colloque, je suis persuadé que ces assises permettront une chose. De jeter un peu plus de lumière sur ces concepts. Leur perception n’est pas toujours évidente et peut mieux nous situer. Par rapport aux droits et aux devoirs des acteurs de la vie universitaire et académique, que nous sommes.  Dans nos différents contextes nationaux. C’est dans cet espoir partagé par tous qu’au nom de Monsieur le Ministre, le Pr. SALIOU TOURE, je déclare ouvert le colloque international. Du SYNARES. Et du CODESRIA sur les franchises universitaires et les libertés. 

 25-27 avril 1996

: l’Université de Cocody (ESIE) accueille le séminaire sur « HISTOIRE DU SYNARES »

En collaboration avec la Fondation Friedrich Ebert, le séminaire du SYNARES organisé sous Konan Bédié à l’Université de Cocody, visait à rendre compte de la leçon d’histoire des pionniers. « Nos pionniers nous ont donné des leçons dont nous devons nous souvenir, ils ont été des hommes de courage, de fermeté, d’humilité et de fidélité à soi.

Leur expérience nous a montré l’intérêt et la nécessité pour le SYNARES d’avoir des dirigeants qui inspirent confiance à la fois aux militants et au pouvoir. Le SYNARES est à la fois une force de lutte et de proposition. On a voulu lui imposer une image négative d’organisation égoïste et hypocrite pour le diaboliser. Mais force est de dire que notre image est positive dans notre société qui est à l’écoute des points de vue du SYNARES. (…) Le SYNARES doit s’adapter sans se renier, être à la fois un syndicat d’expertise et de lutte.

Il doit même chercher à devenir un groupe de pression en anticipant au lieu d’attendre les problèmes pour se mobiliser. L’histoire est encore à faire pour nous-mêmes et pour le peuple ivoirien, puisque notre histoire est aussi celle de nos compatriotes. Nous avons du travail pour demain, nous avons du travail pour la Côte d’Ivoire » (Séry Bailly, « Rapport de synthèse du séminaire »).

Au total, sous les régimes d’Houphouët-Boigny et d’Henri Konan Bédié, le SYNARES a organisé 5 (cinq) séminaires de réflexion. Sans compter ses différents congrès extraordinaire au sein même de l’Université de Cocody.

24-26 juin 2003

Colloque « PROBLÉMATIQUE DE LA NATIONALITÉ IVOIRIENNE » sous le Président Laurent Gbagbo

Voici quelques extraits du « Texte d’orientation » de ce colloque sur la nationalité : « (…) Je voudrais donc me contenter d’introduire le débat sur la question qui nous réunit. Qu’est-ce qui est donc à l’origine de la guerre que nous vivons? En effet, si nous devons impérativement éviter que pareille situation ne se reproduise, nous devons en connaître les causes pour mieux les combattre. C’est dans cette perspective d’explication de la crise que nous vivons et de recherche de solution de prévention que le Syndicat National de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (SYNARES), nous invite à une réflexion. Bien sûr, beaucoup de choses ont été affirmées comme causes de la guerre qui sévit en Côte d’Ivoire, et chacune de ces causes mériterait un séminaire.

SYNARES

Mais, pour l’heure, le SYNARES nous invite à nous intéresser à une seule cause : la question de la nationalité, question qui est liée sans aucun doute à celles de l’ivoirité, de la xénophobie, de l’exclusion, de l’identification, du foncier rural et de l’éligibilité, notamment au poste de Président de la République. Et c’est compte tenu de son caractère central que le SYNARES a voulu commencer par cette question. Qu’en est-il exactement? Comment se pose la question de la nationalité en Côte d’Ivoire? Comment et pourquoi la question de la nationalité peut-elle être à l’origine de la guerre que vit la Côte d’Ivoire? Ce séminaire de réflexion auquel nous convie le SYNARES nous permettra, nous en sommes convaincus, de faire une lecture scientifique, donc objective, de cette question de la nationalité dans le dispositif juridique ivoirien.

Quand et comment perd-t-on cette nationalité?

Nous jetterons également, nous l’espérons, un regard comparatif au traitement de cette même question dans les pays de la sous-région. Parce que, la Côte d’Ivoire en revendiquant, à raison, sa souveraineté en tant que pays indépendant, ne doit pas perdre de vue que ses actes ont des conséquences. Conséquences sur ceux qui vivent dans son environnement, notamment son environnement proche. Comme les actes de ses voisins ont aussi des répercussions sur son environnement et sa manière de penser. Alors, question : existe-t-il une nationalité ivoirienne? Et si oui, depuis quand et comment l’acquiert-on? Quand et comment perd-t-on cette nationalité?

ministre Diawara

Ou, au contraire, doit-on comprendre, comme l’affirme M. Samuel Anani Akakpo-Ahianyo, ancien ministre Togolais des Affaires Étrangères, qu’il n’y ait pas d’Ivoiriens parmi les habitants de la Côte d’Ivoire. C’est à la page 69 de l’hebdomadaire Jeune Afrique, Hors-série N°2 en janvier 2000.  « Puisque, soutient-il, historiquement, tous sont venus de quelque part ». « Et que par conséquent, poursuit-il, « tous ceux qui, ont contribué au développement de la Côte d’Ivoire. Tous ceux qui ont sué dans les plantations de café et de cacao. Tous ceux qui ont usé le fond de leur pantalon dans les bureaux pour faire marcher l’administration ». Ou leurs enfants doivent prétendre à la Magistrature Suprême dans ce pays?

Est-ce là le prix que la Côte d’Ivoire et le peuple ivoirien doivent payer pour leur richesse naturelle qui a attiré des frères de la sous-région sur le sol ivoirien? Est-ce là également le prix que la Côte d’Ivoire et le peuple ivoirien doivent payer pour l’intégration africaine?

Cette question de la nationalité en Côte d’Ivoire méritait-elle une guerre contre la Côte d’Ivoire et le peuple ivoirien?

Cette question de la nationalité en Côte d’Ivoire méritait-elle une guerre contre la Côte d’Ivoire et le peuple ivoirien?

Voilà autant de questions, et la liste n’est pas exhaustive, auxquelles chaque participant à ce séminaire est invité à répondre avec une seule force. L’analyse en profondeur et en toute objectivité, afin que force demeure aux idées et non aux armes blanches ou à feu. Et au sortir de ce séminaire, chacun de nous aura un autre devoir. Celui d’informer le peuple ivoirien dans l’intérêt duquel nous croyons agir. »

L’Université de Cocody, depuis Houphouët-Boigny jusqu’à Gbagbo Laurent, a longtemps été le creuset de la réflexion sur la vie de la nation et sur le monde. Les conférences-débats organisées au sein de la dite université ont contribué à l’écriture de l’histoire des idées politiques, sociales et économiques.

Aujourd’hui comme hier, et demain, la sauvegarde de l’Université, est, a été et sera, en jeu, si nous voulons continuer à former l’élite de demain.. Elle doit faire face à tous les défis. Espérons que le ministre Diawara et les cadres du RHDP qui aujourd’hui dictent au lieu de les gouverner au sens inclusif du terme, le comprendront ainsi. C’est pourquoi nous tenons la présente chronique pour mémoire et surtout pour que l’écho de la voix des pionniers des débats démocratiques ne faiblisse point.  Devant le retour en force des légions éthérées de la pensée unique dans les universités publiques ivoiriennes.

 

Professeur Jean-Francis Alger Ekoungoun

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