Nauséabonde, décevante, réaliste, la Une de « Le patriote » entame une pratique nouvelle. Désormais tout est permis. Et sur l’ambulance on peut tirer sans grand dommage. Paul Agoubli, politique, fait sa lecture de cet écart comportemental
En fin de compte de quoi cette Une de le Patriote est-elle le nom ?
Le samedi dernier, Koré Emmanuel, rédacteur en chef du journal « Le Patriote », si je ne m’abuse, a réservé un article à Henri Konan Bédié. L’ancien président de la République de Côte d’Ivoire décédé le 1er août 2023. Cet article, censé dresser un portrait froid, réaliste du disparu, le jour de son inhumation, a bouleversé l’opinion publique. Cette dernière est peu habituée à cette liberté de ton en ce qui concerne les défunts qu’il est de bon aloi, ici, de préserver de la critique. De cette sorte, l’article du « Patriote » remplit les critères d’une révolution culturelle, d’un droit d’inventaire. Mais surtout, il donne à voir ce qui a toujours été la pensée profonde du RDR-RHDP à propos d’un rival coriace d’Alassane Ouattara, son champion.
Qu’est-ce qu’elle nous prépare à vivre ?
Une révolution est une nouveauté, un changement radical, brutal, profond dans les pratiques sociales, politiques, religieuses. Elle fait intervenir de nouveaux réflexes jusqu’alors non identifiés. Que le quotidien « Le Patriote » ait pris le parti de dresser le bilan de la vie et de la carrière d’Henri Konan Bédié en en relevant, de son point de vue, les ombres et les lumières, signale la fin d’une époque. Les morts, et parmi eux ceux qu’on appelle les grands Hommes, ne sont plus hors de portée de la critique sociale. On vient là, me semble-t-il, de passer un cap. « Le Patriote » inaugure une ère nouvelle, les prochains sur la liste du droit d’inventaire seront sans doute Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara.
Silence suspect
Comment interpréter le silence du Rhdp. Des membres comme Patrick Achi, JEANNOT AHOUSSOU ADJOUMANI… tous transfuges du Pdci et arrimés à Bédié?
Le RHDP a habitué les Ivoiriens à un double langage. Avec cette formation politique, l’officiel n’est pas le réel, il y a ce qu’on dit pour complaire aux attendus sociaux. Et ce qu’on fait conformément à ses convictions profondes. C’est pourquoi vous observerez que les hiérarques du parti ont habilement donné le change tout au long des cérémonies et rites funéraires. Alors que dans le même temps, ils laissaient écrire qu’Henri Konan Bédié avait été toute sa vie incompétent, irresponsable, et indécent. En particulier quand, d’après « le Patriote », il s’était précipité sur le fauteuil présidentiel inventant de toutes pièces des velléités de concurrence d’Alassane Ouattara pas du tout intéressé par la succession.
C’est ouvert pour le pire
Quant à Patrick Achi et Jeannot Ahoussou-Kouadio, dont vous faîtes mention, sans doute faudra-t-il interroger leur véritable poids dans le RHDP pour savoir ce que vaut leur avis au sein de l’appareil.
Est-ce une erreur ? Une faute ?
Cet article a été muri, pensé, plutôt bien écrit. Tout au long du récit biographique, la comparaison avec Alassane Ouattara est construite pour le faire triompher d’Henri Konan Bédié. Ce n’est donc pas une erreur, un acte manqué. Je ne sais pas si c’est une faute – elle serait morale -, ce qui est certain, la boîte de Pandore est ouverte pour le meilleur et pour le pire.
Propos recueillis par
AK
POUVOIRS MAGAZINE