Méfiez-vous des jeunes-vieux !

10 mois

L’idée de (re)devenir président à plus de 82 ans parait plausible.

Etre vieux et en phase avec un peuplement où 9 sur 10 habitants ont moins de 22 ans parait plausible. Mais elle est inappropriée au monde actuel, surréaliste, nocive et risquée. Comme ce fut le cas au Gabon, en Algérie, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, en RDC, et dans bien de pays africains.

En démocratie, on a raison d’appeler de tous ses vœux le départ des anciens leaders politiques. Aux affaires, ils n’y ont que trop durer. On a raison d’exiger que ces ‘‘ministres de l’Europe’’, cèdent la place à la génération suivante. Mais on a tort de faire l’option du « dégagisme » dont Eric Mulalu, l’opposant congolais est le précurseur. Et la révolution tunisienne, l’incarnation la meilleure.

D’une part, parce que le dégagisme est convulsif, tempétueux et délirant à la fois.

D’autre part, peu méritoire me parait être l’attitude consistant à s’en prendre à une personne sur la base de son âge. Avec l’argument qu’elle est dépourvue de force et qu’elle ne peut ou ne sait plus rien faire pour la communauté. Réduire une personne à sa seule force physique de travail est injuste. Depuis quelque temps, à l’approche des élections surtout, le refrain revient en boucle : « Les vieilles personnes, quittez !».

‘Un vieux’’, même inconvenant comme le sont nos chefs d’Etat, ça se respecte

Seulement, les jeunes n’ont pas les manières de leurs opinions. Perfusés à l’inflation verbale, leurs opinions sont légitimes. Mais ils sont, eux, aisément preneurs du triomphe de la brutalité, de la foire à l’injure. Ils sont favorables au spectacle de l’invective, sans même se remémorer que l’on part toujours comme l’on est venu. En clair, les jeunes qui ont fait le choix de la culture de l’affrontement seront dégagés s’ils dégagent la vieillesse. Puisque partir pourrait se présenter comme un art, il faut savoir arriver, sans criminaliser.

Cette criminalisation de la vieillesse indispose parce que la sénescence est une disposition fondamentale de l’âme humaine. C’est le destin de tous. Elle indispose parce qu’incompatible avec les us de l’Afrique. Continent où la gérontocratie persiste, où perçue comme pure grâce, la vieillesse se sacralise. L’absence des hospices qui peinent à fonctionner en Afrique illustre bien le rapport de l’Africain avec les anciens. A ces anciens on voue, à raison, un respect profond. L’Afrique gagnerait à se bâtir selon ses propres rites, et non seulement sur la base des mœurs importées. ‘‘Un vieux’’, même inconvenant comme le sont nos chefs d’Etat, ça se respecte. A brûler ses bibliothèques, une nation africaine se maudit, selon la vision d’Hampâté Bâ.

les jeunes ont déjà chaussé les tics, les pires de leurs prédécesseurs

D’autre part, l’histoire récente du continent a prouvé qu’un jeune n’est pas forcément compétent. C’est une erreur de croire qu’il suffit d’être jeune pour être meilleur. « A la jeunesse, la compétence ! » est un mensonge auquel les jeunes eux-mêmes tentent de donner consistance. A tort.

A la vérité, les jeunes ont déjà chaussé les tics, les pires de leurs prédécesseurs. Le changement dont parle la jeunesse est un renouvellement de façade. Exilés, prisonniers, renégats, fils à papa ou de papa, les jeunes partisans du dégagisme sont les farouches disciples des vieux.

Thiam, Blé Goudé, Kkb, Soro Guillaume…sont des jeunes qui cautionnent des textes de loi. Ils piaffent d’impatience de goûter à leur rêve de bains de foule hystérique, de kilométriques cortèges (20 voitures au minimum), de gyrophares. « Méfiez-vous des jeunes-vieux » est-on tenté de prévenir.

ALEX KIPRE

POUVOIRS MAGAZINE

 

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