Les responsables de l’Église catholique en Côte d’Ivoire se montrent- on le sait- régulièrement très critiques vis-à-vis des leaders politiques ivoiriens auxquels ils reprochent une mauvaise gouvernance et une incapacité à porter à son terme la réconciliation. La grave crise qui secoue l’Église de Man en ce moment, n’échappe pas aux observateurs habitués aux critiques acerbes des évêques catholiques.
Le Jeudi 4 janvier 2024, l’évêque de Man, Mgr Beby Gnéba Gaspard a, dans une lettre ouverte à ses prêtres et aux catholiques de son diocèse, et lue par lui-même à la radio catholique de Man, accusé son clergé de manquer à ses promesses de célibat et de pauvreté. Avec une méthode peu habituelle, l’évêque a dénoncé les prêtres de son diocèse qui ont femme et enfants, ainsi que ceux d’entre eux qui auraient abusé de mineurs et détourné de l’argent destiné aux œuvres de l’Église.
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À cette occasion, l’évêque a admis le principe « païen » de la dénonciation anonyme dans son diocèse, rendant du coup complices ceux et celles qui seraient informés de l’immoralité de certains prêtres et qui ne viendraient pas les signaler chez lui. L’évêque est même allé plus loin dans sa lettre ouverte en intimant l’ordre à ceux qui se reconnaitraient dans les catégories de prêtres infidèles décrites, de venir d’eux-mêmes se dénoncer, afin d’être renvoyés de l’état clérical, comme l’Église l’aurait prévu dans ses textes.

En réponse à cette accusation gravissime dans une forme peu catholique, les prêtres de Man ont écrit directement au Pape François avec ampliation au Nonce apostolique en Côte d’Ivoire et à la Conférence des évêques catholiques en Côte d’Ivoire. Ils retracent dans cette lettre le calvaire qu’ils vivent depuis une quinzaine d’années avec un pasteur autoritaire, haineux, rancunier, orgueilleux, sans humanité et dont ils auraient les preuves de détournements massifs des biens du diocèse. Depuis plusieurs années, ce pasteur avait déjà été dénoncé à Rome sans que rien n’ait été fait.
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Sur le plan local, les prêtres ont donc décidé d’une désobéissance pastorale, pour dire qu’ils ne reconnaissent plus à Mgr Beby Gaspard une quelconque autorité comme évêque de Man. Ils l’accusent, par ailleurs, de pratiques d’espionnage et d’intimidation et même de menace de mort sur certains prêtres.
Depuis que les autorités de l’Église ont été saisies par lettre aussi bien à Rome qu’en Côte d’Ivoire, les prêtres de Man ou leurs représentants n’ont pas encore été entendus directement ni par un envoyé de Rome, ni par le Nonce apostolique, ni par la Conférence épiscopale de Côte d’Ivoire qui vient pourtant de se réunir à Katiola.
À ce stade, selon nos informateurs, des tractations auraient lieu avec le président de la Conférence épiscopale de Côte d’Ivoire, sans qu’on ne sache vraiment dans quel sens les choses vont évoluer.
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Toujours est-il que les prêtres de Man, dans leur majorité, estiment qu’il y a deux poids deux mesures dans le traitement de ce type de crises dans l’Église de Côte d’Ivoire. Dans la crise qui a opposé l’ancien archevêque de Gagnoa à son clergé, la Nonciature apostolique en Côte d’Ivoire aurait pris fait et cause pour les prêtres. Les mêmes comportements, voire plus graves, sont observés chez un autre évêque et tout semble démontrer que les prêtres sont seuls. Les deux questions que l’on se pose aujourd’hui à Man, dans le clergé comme chez les chrétiens catholiques et l’ensemble de la population, c’est de savoir qui protège Mgr Beby Gnéba Gaspard ? Et faut-il attendre que les prêtres de Man, d’ordinaire lents à la colère, fassent exactement comme les prêtres de Gagnoa pour que Rome prenne au sérieux leur ras le bol ?
Nous y reviendrons
JEAN-PIERRE DROH KEI
Correspondant régional à Man
POUVOIRS MAGAZINE