Tidjane Thiam : Pourquoi il hésite (Première partie)

1 an

Un oral réussi, par une personnalité pragmatique, attachante, outrancièrement intelligente mais que d’interrogations sur son hésitation à afficher les ambitions présidentielles qu’on lui prête. 

Dire qu’il dispose de qualités intellectuelles et techniques indéniables, qu’il jouit d’un pedigree des plus élogieux allant de Wall Street, en passant par la city jusqu’à Bercy, ou qu’il figure parmi les personnalités africaines les plus impactantes dans le monde serait réitérer un narratif qui est de notoriété publique.

Et ce, depuis son entrée chez le géant du conseil stratégique McKinsey & Company à la fin des années 80, jusqu’à sa nomination en Novembre 2020 au poste de Président du conseil d’administration du Rwanda Finance Limited, une agence gouvernementale chargée du développement. L’ex directeur général du crédit suisse est un mastodonte de la finance mondiale, et ses états de services sont  largement commentés dans la presse économique en l’occurrence.

De retour en Côte d’ivoire dans le cadre du deuil national qui frappe la nation suite au rappel à Dieu de l’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié, le financier qui a la parole très rare accordé, donné une interview au média ivoirien NCI. Une entrevue largement commentée dans les canards éburnéens et au-delà. De l’impression générale, c’est une Masterclass au cours de laquelle l’invité aura décliné les valeurs à la fois managériales et humaines  qui l’animent et qui ont impulsé in fine ce parcours si inspirant.

Plusieurs thématiques furent partiellement évoquées, non sans éluder habillement les réelles questions qui fâchent. Ses communicants ayant préalablement bien pris le soin d’évoquer le timing et l’agenda politique délicat du pays avant l’émission. Il ne parlera donc pas de son ambition présidentielle. En Afrique, la mort relève du sacré, et elle convoque le consensus tacite. La bonne parade. Une énième esquive qui le conforte dans la posture latente qu’on lui connaît. Tout porte à croire que l’économiste hésite à parachever réellement son entrée dans l’arène politique. Un peu comme Kylian Mbappé avec ses appels contre appels en direction du Réal Madrid. Une autre hésitation aux rebondissements mélodramatiques qui devient agaçante, et qui n’a plus la saveur de l’été dernier. Bref.

On se souvient encore à la veille de la dernière présidentielle, dans cette ambiance délétère (un classique qui ne surprend personne) le polytechnicien avait troqué son costume de technocrate pour se vêtir des attributs de politique qui se positionne. Une adresse à la nation appelant à l’apaisement depuis son bureau Zurichois, avec en toile de fond le drapeau ivoirien. Une symbolique forte pour celui qui n’a jamais occulté, publiquement du moins, son ambition politique dans son pays. Et depuis, c’est un mutisme total. Comment une telle communication politique aussi efficace peut prématurément accouchée d’une souris?

Cela dit, on a rarement vu l’économiste aussi offensif dans un exercice médiatique. De nature à ne pas s’étendre sur ses succès, c’est plutôt un Tidjane Thiam expansif sur son bilan en tant que dirigeant d’institution qui a crevé l’écran. Revenant avec une certaine pédagogie sur ce qui fonde sa recette : l’homme au cœur de sa gestion. Sans doute un clin d’œil à cette caste de dirigeants méprisants en déconnexion totale avec le peuple.

Et des anecdotes édifiantes notamment sur sa préférence nationale. Dixit cette phrase sur le licenciement des neufs expatriés de l’ex BNETD quand il en était le directeur général “je ne suis ni pro français ni anti-français, je suis pro Côte d’Ivoire” Simple rhétorique patriotique ou coup médiatique astucieux ? Plus tard, il s’interroge sur la recrudescence des coups d’État en zone francophone, quand le dernier soubresaut militaire en zone anglophone est survenu en 1993. Tout en condamnant le recours au putsch militaire, il ouvre la réflexion analytique sur les causes liées à cette récurrence.

Dans une Afrique en pleine mutation géostratégique, avec ce regain de panafricanisme de plus en plus répulsif au néocolonialisme, des déclarations aussi fines ne sauraient être fortuites. Qui plus est quand on est affublé par une certaine opinion d’être l’archétype achevé du dirigeant coopté par l’oligarchie occidentale. Il reste donc lucide sur les enjeux, tout en se positionnant habilement sur des thématiques qui parlent aux masses. Toutefois, l’économiste ne laisse rien filtrer de son engagement politique, et garde un silence spéculatif sur la question.

Il devra acquérir une stature politique

Lors d’un talk télévisé en septembre 2020, son aîné, le gouverneur du district de Yamoussoukro Augustin Thiam restait évasif sur l’offre politique que constitue son cadet. Tout en lui prodiguant des conseils à cet effet. Le chef de la famille Houphouët-Boigny évoqua furtivement dans cette émission les débats contradictoires qu’ils avaient sur la gestion économique du pouvoir d’Abidjan. Où son cadet stipulait subtilement que la gestion économique de la Côte d’Ivoire pourrait être meilleure. C’est dire qu’il y a chez Tidjane Thiam un certain intérêt qui pourrait déboucher sur des ambitions présidentielles. Ambitions qu’il n’assume toujours pas jusqu’à preuve du contraire.

Pour le gouverneur, si cela advenait, il devra se construire une stature politique. Impulsée par une volonté communicative et assumée. Y croire et s’y résoudre.  Faire ses classes, loin du lac clément, près de la lagune Ebrié ou de la Bia. Se faire mieux connaître par  un retour immersif qui s’imprègne des réalités sociales et des enjeux sociétaux.  Ce à quoi son frère aurait répondu “ Merci pour tes précieux conseils.

Les futures échéances pointent à l’horizon, en l’occurrence la succession à la présidence du PDCI. Une guerre de succession dont on devine aisément l’âpreté des antagonismes. Entre les courtisans secrets du RHDP qui appréhendaient les foudres du sphinx de Daoukro, désormais déchargés de toute forme d’obédience, les caciques qui attendaient sagement leur heure, et la jeunesse du parti lassée d’attendre qu’on lui donne droit au chapitre.

S’invitera-t-il dans ces joutes futures ? Ou optera-t-il pour une dynamique indépendante fédératrice dans le style En marche de Macron. Pour cela, il faudra déjà commencer par sortir du bois et afficher ses aspirations.

(Fin de la première partie)

LOÏC DAMAS

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