Aujourd’hui de 16h à 18h, à l’Esplanade de l’Ecole Normale Supérieure (Ens), la cérémonie d’hommage à Charles Nokan proposée par l’Ascad, connaîtra une oraison funèbre prononcée par la professeur Tanella Boni, écrivaine et professeure de Philosophie, l’intervention du professeur Hauhouot Assepo Antoine, Président de l’Ascad, des témoignages et deux poèmes écrits par Charles Nokan qui seront déclamés l’un par Bee Joe, l’autre par Ninwoulou. Le premier est intitulé « A la Mémoire de Konan Wa Konan Gabriel »
Poème 1
A la mémoire de Konan Wa Konan Gabriel
Un jour, Abo, mon fils,
tu nous as quittés
après avoir répandu le froid en nous,
et la tristesse a saisi nos cœurs.
Je me souviens de toi,
et ma pensée
se noie dans le brouillard,
et je n’arrive pas
à savoir ce que je peux
faire de mon être.
Je demeurerai ainsi
Jusqu’à ce que
la mort me plonge
dans l’inconscience totale.
Tant que nous, tes parents,
continuerons à respirer,
tu vivras en nous ;
lorsque nous mourrons,
le néant nous avalera comme toi.
Voici quatre ans
que le destin t’a pulvérisé,
et la mélancolie étreint
encore mon cœur.
De savoir que tu n’as
pas savouré longtemps
les mangues de la vie
me rend triste.
Je ne sens presque
plus le jour ;
à présent,
une nuit dense
rôde autour de moi.
Abo, comme m’est douloureuse
ta plongée précoce
dans le silence infini !
Je n’arrive pas à
sortir de la sylve ténébreuse.
Peut-être n’y aura-t-il
plus de chemin qui me
mène à la savane claire.
Abo ,je m’adresse à toi
tout en sachant que tu ne peux
maintenant ni me voir
ni m’entendre.
Mon dire est vain ;
la faiblesse humaine
m’entraîne à parler
absurdement.
La vie est mouvement
conscience, rythme, ténèbres
et silence absolus.
Lorsque la bourrasque soufflera
les flammes intérieures
de tous tes parents, et que,
émiettés, ceux-ci
deviendront des grains
de sable, ton souvenir sera calciné.
Le feu de ta mémoire
se trouve encore en
mon esprit.
Quand ce dernier s’éteindra,
je serai enseveli chez nous,
à Yamoussoklo, mais
mes cendres souleront
dans la terre pour
se mêler à toi en Abidjan
Mon fils, tu n’as
pu parcourir
une longue distance afin d’égayer
durablement notre voyage
et de déguster suffisamment
la papaye de l’existence,
hélas !
Extrait de :
Charles Nokan, La séparation, Abidjan, Frat. Mat. Editions p. 7-9.
Poème 2
L’éducation et
mon expérience
ont changé
ma mentalité.
Aussi me décidai-je
à me dresser
contre le méchants.
J’entre en politique
pour les combattre.
Mes camarades et moi
nous lutterons
pour dissiper les nuages,
transformer le monde.
Je rêve d’un
matin quiet,
d’un jour tranquille,
d’une mélodie
inédite,
de fleurs aux exquis parfums
mêlés
d’une musique
ineffable,
d’une poésie pure,
de sonorités
insoupçonnées,
de mains se serrant
chaleureusement,
d’un futur
radieux
je rêve que
tous les humains
s’aimeront.
Des forêts et
savanes s’étendront
encore,
et il y aura
des irokos, des rôniers,
fromagers et des
arbustes aux couronnes
noirâtres.
Les hommes et
femmes préserveront
la nature,
créeront par surcroît
une nouvelle
et vaste sylve.
Les racines de
l’arbre vital
plongent dans
la moelle rouge
de l’existence.
L’environnement du
village et même celui de la ville
seront verts,
à l’aise la population
de la terre
Hyalin se fera
le visage du nouvel univers.
L’humanité
marchera vers
une ère rayonnante.
Les humains, les oiseaux
les fleurs
et
les rivières
chanteront
bien autrement,
superbement.
Extrait de : Charles Nokan, La Séparation, Frat. Mat. Editions 2018, P . 111-114