Imidiwen : l’amitié franco-malienne malgré tout

2 ans

Le groupe musical constitué  de Français et de Maliens targuis, formé au début des années 2000, apparait aujourd’hui comme le symbole d’une amitié (Imidiwen veut dire les amis, les frères en tamacheq) entre les deux peuples, signe  que les arts et  la culture sont plus forts que toutes les contingences dans un contexte politique difficile entre les deux Etats. Avant de monter sur scène pour leur concert à l’Institut Français en décembre dernier,  deux membres du groupe (Manuel Wicquart, le clarinettiste et Yaya Samaké, le chanteur et guitariste) ont répondu à nos questions, évoquant leur actualité et les leçons de leur séjour ivoirien.

Quel est l’objectif de ce séjour d’un mois en Côte d’Ivoire qui s’achève avec le concert que vous donnez ?)

Manuel Wicquart : On est là dans le cadre d’un projet d’envergure ouest-africaine très large, qui vise à continuer notre histoire de Imidiwen dans l’esprit de l’itinérance artistique.  L’histoire a démarré en 2001, et depuis 2015 on a fait des tournées un peu partout, en Afrique de l’ouest. On est passés une fois à Abidjan en 2017. L’idée est d’aller à la rencontre d’autres personnages d’autres pays, de découvrir de nouvelles cultures en y amenant un peu de culture française et tamacheq

Quelles sont les activités que vous avez menées au cours de ce séjour ?

Notre base était Bouaké. On a concentré notre temps de travail là-bas. On a passé beaucoup de temps à retrouver d’abord  notre répertoire parce qu’on  a passé beaucoup de temps, 4 ans,  sans se voir. On a écrit de nouvelles chansons,  et après on a travaillé avec des jeunes musiciens de Bouaké au cours d’un atelier pour pouvoir nous produire avec eux lors du festival Bo Balo. Cette collaboration a permis de faire une autre passerelle entre de la musique ivoirienne  et la musique française et tamacheq. On a fait un grand mélange avec tout ça.

Quelle suite pourriez-vous donner à ces collaborations faites à Bouaké ?

On est certains de retourner à Bouaké, dans deux ans, sans doute. Donc il y a quelque chose d’autre qui va se poursuivre. Là, ça  a été des moments de partage où on a fait des échanges culturels. Ce qui ressort de ces échanges,  c’est quelque  de nouveau et de créatif.

Pourquoi Imidiwen a toujours ce besoin de s’ouvrir à d’autres identités musicales ?

Yaya Samaké : Imidiwen, c’est la musique mais surtout c’est une histoire. Quand les français de Le chauffeur est dans le pré (le nom du groupe français qui est allé faire la connaissance des Touareg en 2001, ndlr) ont quitté la France pour venir dans le désert pour échanger avec les Tamacheq ce n’est pas parce que c’est les plus grands musiciens, mais c’est parce qu’il y a un sentiment d’aller à la rencontre de l’autre. Au cours de leur séjour,  on les accueilli, on les a fait visiter et connaitre l’hospitalité touareg, la culture touareg et depuis lors plus de vingt ans, on tourne en France, au Mali. Donc  aller rencontre l’autre fait partie de notre ADN. Cette tournée nous a permis de jauger notre culture, de voir  que nous avons de la musique, des instruments qui comptent et ça nous a donné des leçons de partage et de vie afin de véhiculer des messages de paix et de solidarité. Notre musique depuis lors c’est la sensibilisation à la cohésion. Et donc elle est ouverte à tous les musiciens du monde. Au début on n’était pas habitué à la clarinette, au saxophone, mais aujourd’hui avec la collaboration avec les français, c’est avec difficulté qu’on construit notre musique sans ces instruments.

Quels sont les sonorités qui vous ont le plus intéressé ici en Côte d’Ivoire ?

MW : on a joué par exemple avec des djembistes, on est très friands de cette culture rythmique.  Après, on a découvert   différents instruments. On n’a pas joué coupé décalé tout ça, on n’a pas eu le temps aussi hein. Il faut du temps pour visiter une culture entière. C’est resté des petites rencontres, on verra ce que tout va donner dans le futur.

Ce séjour ivoirien a été l’occasion, vous le dites, de vous retrouver. Quand on sait la difficulté de sortir du nord Mali, on suppose que ça été un énorme challenge.

YS : je ne vous dis pas ! Vous ne pouvez pas savoir quelles sont les risques et les  difficultés aujourd’hui qu’il y a dans notre zone. Du désert jusqu’ici c’est des milliers et des milliers de kilomètres. Il faut absolument avoir le transport aérien pour venir ici. Il faut prendre l’avion de Tessalit à Bamako et ensuite l’avion pour Abidjan.  Ce  sont des risques que nous ne voyons pas. Pour nous, ce qui compte, c’est notre histoire avec  nos amis français. Chaque fois qu’on a une opportunité de rencontre avec eux, on se jette à l’eau.  Avec tout ce qui compte comme moyens financiers. On n’est pas aidés, ç’est dommage vu ce que nous véhiculons comme message.

MW : nous ici en Côte ‘Ivoire et au Burkina, on a rencontré Vincent Jamonneau qui est en Afrique de l’Ouest depuis très longtemps et qui a tout un réseau d’Ivoiriens et de Burkinabè avec lesquels  in a monté une association qui s’appelle « Gombo Ka Bé » c’est-à-dire « Gombo  y en a pas »’ et il ont commencé à faire du travail d’appui aux artistes et à leurs initiatives. Quand il a découvert Imidiwen, il a dit qu’il fallait qu’on la fasse découvrir à  l’Afrique de l’Ouest avec ce projet. C’est toute une zone qui aspire à la paix et ce projet-là est emblématique par rapport à ça. Quand  on mélange   les cultures,  on arrive à faire quelque chose de nouveau et de fraternel, d’universel, qui parle aux gens.

Comment  est-ce que vous vivez cette  crise diplomatique qui existe entre vos deux Etats, la France et le Mali ?

MW : nous, quand on s’est rencontrés en 2001, c’était une grande période d’ouverture et de paix en Afrique de l’ouest. Donc on s’est dit que  des projets comme le, notre,  il va y en avoir beaucoup. Et finalement la situation fait qu’on se retrouve tout seul et unique.  On a toujours fait en sorte que cette histoire existe. C’est une petite graine qui un jour va pousser. C’est vrai qu’on est dans la tempête mais on continue d’exister,

YS : ce que nous sommes en train de faire aura un impact chez nous les Tamacheq, à Kidal, à Tessalit, à Bamako en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso parce que la politique, nous en sommes très loin de ça. Nous notre œuvre  est de prouver aux gens que c’est de ce genre de partage et d’échanges qu’il faut. Cette amitié, cette solidité, L’Afrique est une terre  d’hospitalité parce qu’il y a tout ça le partage, le pardon. Nous, nous disons aux jeunes que c’est dommage de laisser ces valeurs. La force d’un pays c’est sa jeunesse. Sa sécurité c’est la jeunesse, son insécurité c’est la jeunesse. Il faut soutenir des projets comme ça , qui vont au sein des populations vulnérables pour la sensibilisation à   la cohésion c’est très important. On est portés à partager nos valeur à travers la musique et à sensibiliser sur la cohésion des sociétés des hommes et c’est ça qui nous donne la force de continuer ce projet.

Quelle est la situation actuellement à Kidal ?

YS : ça c’est le rôle des politiques de gérer cette situation. Nous on est concentrés sur notre culture,  nos messages de paix afin de  convaincre nos populations que rien ne vaut la paix. Dans l’insécurité, on ne peut absolument rien faire. Maintenant ce qui se passe,  c’est plus fort que nous et nous ne voulons pas parler ça.

Avez-vous espoir qu’un jour tout ça sera derrière nous ?

YS : nous aurons s un espoir quand il y aura un vrai esprit de cultiver la paix. Parce qu’on parle toujours de paix mais il faut la cultiver, la paix. Comment il faut la cultiver ? Par la solidarité par le partage,  par une bonne manière de gérer son pays. Que le nord du Mali ne se sente pas lésé quelque part. Car il y a aujourd’hui un grand écart entre le sud et le nord. Il y a des gens aujourd’hui dans le nord qui souffre de faim, de soif, il n’arrive pas à mettre leurs enfants à l’école, qui n’arrivent pas avoir des médicaments pour soigner leurs enfants, qui ne boivent pas de l’eau potable. Est-ce que ça c’est normal ?

Est-ce que ce projet là que vous avez mené ici en Côte d’Ivoire peut et va nourrir le prochain album d’Imidiwen ?

MW : oui sans doute. Il va y avoir déjà des clips et des vidéos de nouveaux morceaux  qui vont sortir de cette tournée car il y a un cameraman en immersion avec nous.  Et puis on verra si c’est possible de faire un nouvel album. En tout cas la création est là. Chaque fois qu’on se dit au revoir on ne sait pas si c’est la dernière fois qu’on se voit. Parce que c’est un projet tellement compliqué et difficile à organiser. On vit une aventure exceptionnelle de partage  de culture et d’ouverture. Malheureusement on n’est pas soutenus comme il se doit.

De qui attendez-vous des soutiens par exemple ?

MW : Des institutions peut-être. Nous on a un message à faire passer. Si on nous offre des facilités par rapport à la logistique, aux engagements financiers on peut aller jouer partout. Et montrer l’exemplarité de notre histoire. Notre histoire encourage aussi les bonnes volontés à faire avancer le monde d’une certaine façon.

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