« La littérature, la musique dépendent d’un centre où tout se fait de meilleur et où toutes les grandes transformations s’opèrent. Ce n’est pas un phénomène nouveau. Depuis la naissance de la littérature écrite en français, Paris a été the « place to be », le centre de décision. De la même manière, si vous prenez les écrivains anglophones, ils dépendent de Londres, quand les lusophones, eux, dépendent du Portugal. Pour dire que ce sont les conditions de diffusion, de publication et de la puissance médiatique aussi qui veulent ça.
Si vous publiez un livre à Abidjan, c’est bien. On va en faire la promotion. Mais il y aura jusqu’à preuve du contraire toujours cette difficulté-là à vous faire lire par ceux qui sont en France. Alors, ce n’est pas par choix qu’un écrivain va se faire publier ailleurs. C’est pour avoir de la visibilité. C’est plus pour une nécessité pragmatique ou pratique.
Un peu comme si vous êtes joueur de football en France : Ce n’est pas la même chose, la même visibilité la même notoriété que si vous jouez dans une équipe de petite bourgade. Nous avons suivi ce que les ainés ont fait. Les Senghor, les Césaire, les Birago Diop : tous ont publié à l’étranger parce qu’il y a avait de plus grandes maisons d’édition comme Présence Africaine créée en 1949, et avec sa revue qui vous assurait la visibilité internationale. L’édition est par ailleurs une activité commerciale. Donc on ne publie pas les gens par philanthropie, pour honorer jésus Christ. Du coup, nous quand on écrit, on envoie les manuscrits en Europe parce qu’il y a beaucoup plus à gagner là-bas.
Si vous prenez les premiers écrivains du Sénégal, les Cheick Amidou Kane, Camara Laye l’enfant noir, c’est en France qu’ils se sont fait connaitre. De même que les Thierno Monenembo de Guinée, les Calixte Beyala du Cameroun. C’est peut-être nos politiques culturelles en Afrique qui ont fait que c’est ainsi ».
par ALAIN MABANCKOU Grand prix littéraire d’Afrique noire et Prix Renaudot