Gogo, petit village situé à une douzaine de kilomètres de la capitale burkinabé, voit le nombre de ses habitants croître par la venue au monde d’un tout-petit en cette année 1947. On lui donne le nom de Georges Ouédraogo. Très tôt, le gosse a une propension à se laisser guider par le rythme.
Il fait rythme de tout bois, de tout morceau de conserve, de tout bâton, ou de carton. Il fréquente…le « Tico tico bar ». Là bas, se produisent les « Cha cha cha boys » et leur chef Antonio. L’orchestre est aussi appelé Tico tico. Nous sommes en 1960. L’itinéraire de Georges Ouédraogo le met sur la route du musicien Tapsoba Jean Hyacinthe. plus tard, il quitte Ouagadougou pour bobo-dioulasso. Dans la deuxième ville burkinabé, il intègre le Volta Jazz.
Il y officie en qualité de percussionniste. Mais, on le sait, la percussion est à la batterie ce que la flûte est au saxophone : une antichambre. Le tout naturellement du monde donc, Georges s’essaie à la batterie. L’instrument l’inspire et il compose sa première chanson intitulée Mam Kamisoye. Il a alors 20 ans. Deux ans plus tard, parce qu’il a pleinement confiance en lui, il décide de se rendre dans un pays dont on dit grand bien : la Côte d’Ivoire, l’Eldorado de l’Afrique de l’ouest, que chef Antonio lui a conseillé. A cette époque, Treichville, Abobo et Adjamé sont des foyers culturels. C’est à Adjamé qu’il débute aux côtés du trompettiste Fax Clark, l’auteur de Findjougou (Les dessous du mal), l’un des promoteurs du Quartier latin. Sa réputation se construit et bientôt c’est Marcory qui le convoite. Les Freemen, un groupe de pop, a entendu parler de Georges. Excellent batteur, il quittera le groupe en 1971 pour le « New system pop », sur injonction de Madi Sanfo, un impresario burkinabé.
Dans ce groupe, il rencontre des perles : N’Guessan Santa à la guitare, Rato Venance au clavier, Bailly Galié Rabé Sylvestre dit Bailly Spinto, le lead vocal, Kassabidé à la percussion. Madi Sanfo loue, pour ces jeunes hommes, une villa à Marcory et les fait travailler de 10h à 12h et de 14h à 17h, chaque jour. Georges fait les chœurs, ce qui lui sera utile lors de sa carrière solo.
Il adore les grands slows dont il composait certains en moré. Spinto et Ouédraogo partagent la même chambre. Le jeu de batterie de Georges est ponctué par une grosse caisse (le DO) impressionnante. Ses roulements de batterie attirent l’attention. Assez souvent, pour ne pas dire presque toujours, il pousse des cris d’animation, de joie, d’encouragement, au point que ses collègues l’appellent « Wranwran ».
Fat sans économie, il est bon public à sa propre épopée « Il aimait dire : moi petit Mossi-là » se souvient N’Guessan Santa, son guitariste et compagnon de l’aventure «New system pop». Ce groupe gravit les échelons et tape dans l’œil de plus d’un. Jimmy Hyacinthe, un talentueux guitariste désireux de fonder un ensemble musical panafricain, plus ambitieux, en fait partie, qui fait une cour souterraine et discrète à Georges Ouédraogo. Il fait miroiter au batteur, la possibilité de gagner sa vie, uniquement en tapant sur la caisse claire, la grosse caisse, les cymbales. Georges est séduit. Il a le cœur chez les Bozambo, mais le corps chez les New system pop.
Il marche, mais ne peut annoncer la nouvelle de son éventuel départ du groupe à ses frères de sang.
Même pas à Bailly Spinto avec qui il partage la même chambre. Nuitamment et progressivement donc, il vide son placard. Alors que son nouveau groupe compte et repose sur son batteur puissant pour assurer les spectacles de fin d’année, Georges vit une idylle avec Bozambo.
Les membres de New system apprennent la nouvelle. Ils se rendent chez Jimmy Hyacinthe qui n’avoue pas le fait. Dans son placard que regardent avec des yeux suspects et prévenus, les New system pop, se terre Georges. Tous le savent, mais nul ne le dénoncera, heureux en réalité qu’ils sont de savoir leur collègue sur le point de « percer », c’est-à-dire s’envoler vivre de son art en Europe. Le rêve ! Avec les Bozambo. Georges est décédé le 2 février 2012. Il y a déjà 10 ans
Pouvoirs Magazine