Après un baccalauréat obtenu au Lycée Blaise Pascal d’Abidjan, ce jeune ivoirien se lance dans des études de génie logiciel en Angleterre mais est subitement séduit par la photographie. Il explore le cinéma, les effets spéciaux et obtient un diplôme de premier cycle en informatique en 2007. Il retourne à Abidjan où toutes ces/ ses formations s’entremêlent et l’homme retouche chaque cliché sur son ordi avec de petites de chaque jour dans des décors populaires. C’est la photo making. Interview.
Vos photos ressemblent à des étoiles saturées de couleur. Non?
Vous avez les différents types de format avec des boîtes lumineuses. Il s’agit, dans une certaine mesure, de la conceptualisation d’une galaxie. C’est un peu comme si nous observions une constellation, avec des étoiles situées à différentes distances de l’observateur. Plus c’est petit, plus l’étoile est loin.
A quel besoin répondent les photos non saturées en couleur et que vous avez baptisées ?
Vous verrez que bien que de façon générale, on peut trouver un lien en termes de diversité de couleurs dans toutes les œuvres, il est important de savoir que toute histoire commande son propre code de couleur. Celle de « pneu pneu » a une charte graphique différente de la plupart des autres. C’est, en effet, une histoire qui exigeait ces couleurs.
Créez-vous à partir d’inspiration ou alors sous forme de code de couleur à déconstruire ?
Depuis toujours, j’ai opté pour l’art qui peut se comprendre à différents niveaux. L’art qui peut être attrayant pour un enfant, mais qui peut aussi être une énigme intéressante à résoudre pour un adulte. Et donc, effectivement, les personnages, les couleurs, les histoires, les symboles, offrent une narration, mais c’est un peu comme une phrase avec des trous qui, en fait, sont une invitation afin que l’observateur se fasse sa propre interprétation et qu’il lise en fonction de sa propre personnalité.
Pourquoi cette récurrence au trou avec les accessoires ? Je pense au pneu, à la marmite trouée.
Le principe de base est celui de Yeelen. Yeelen étant ce qui maintient toute chose, de la plus petite à la plus grande, dans ce monde alternatif, dans cette mythologie que je propose dans l’exposition. De génération en génération, Dandélia a été définie comme ce qui a été de plus beau dans ce monde et aussi comme référant au bon nombre. Des transformations subtiles et évidentes sont opérées en tout personnage qui vit et subsiste. Notamment, la marmite qui apparaît au niveau de la taille de Marmite Mousso , la barbe d’Alphabet qui mesure plus de deux mètres ou encore la grossesse de Mamie-mamie, et la peau dorée de Lilian qui passe l’appel, éponyme du nom de la collection et de l’exposition. Ce que vous voyez, ce sont les transformations yeeléniques, liées spécifiquement à la personnalité du yeeléniste. Par exemple, Marmite Mousso est une passionnée de cuisine. Ainsi, lorsqu’elle grandit en Yeelen, cette transformation yeelénique évidente devient la marmite au trou laissée autour de sa taille.
Créer une telle mythologie, un tel univers, exige une dose de folie. Comment réagissez-vous si l’on perçoit vos pièces comme des thérapies contre votre mal-être?
Je dirai que si je suis malade en créant ce climat photographique, alors j’invite tout le monde à être fou. Parce que la maladie, dans une certaine mesure, est ce qu’on appelle malaise. Et le malaise est ce qui sort de l’aise habituel. Mais l’aise habituelle n’est pas nécessairement la meilleure aise dans laquelle on puisse être. Dans ce cas, si pour ceux qui ne voient pas les choses comme moi, je suis malade, je l’accepte. Ceci dit, j’invite les gens à partager ma maladie, mon malaise. Cette différence de paradigme permettra de voir comment ils pourraient se sentir quand ils sont dans mes chaussures, dans mon contexte.
Interview réalisée par
ALEX KIPRE, Pouvoirs Magazine