Waiper Saberty, coach d’Alpha Blondy

2 ans

Dans le milieu, tout le monde connait cette anecdote et lors de la dédicace de son livre “Alpha Blondy et la galaxie reggae” Jagger l’a lui-même raconté au public du Palais de la culture. Waiper était tellement proche d’Alpha au point de se substituer au père de Bintou Were-were devenu aphone lors d’une tournée, et d’interpréter sans que le public ne s’en aperçoive, tout le répertoire de l’artiste, deux heures durant. C’était à Minneapolis, aux Etats-Unis en 1988, avec le Solar System. Ce travail avec Alpha et d’autres artistes a saccadé quelque peu la production perso de Waipa, auteur de 4 albums. Aujourd’hui des espaces culturels le réclament par le canal des Vieux Môgô un conglomérat d’artistes anciens qui ont de beaux restes et qui n’ont rien à envier à la jeune génération.

 Qui est cette belle voix?  

 Corpulent, imposant, Waiper se voit. Inéluctablement. Garde toujours une barbe nourrie prolongeant ses cheveux hirsutes rangés dans un bonnet. C’est un rasta. Pas tant que ça. Un reggaeman. Pas que. Sa voix a su reprendre à l’identique 96° du groupe Third World. Au point qu’il y a quelques décennies, la ressemblance vocale (faciale et capillaire aussi) avec William ‘‘Bunny Rugs’’ Clarke, le lead de Third world, était flagrante. Pas que reggaeman parce qu’à la réalité sa voix s’est cuite dans les forges de la Motown, ce label black, à l’occasion des interprétations de Teddy Pendergrass, Otis Reedings, James Brown ou des voix plus fluettes comme  celle de Marvin Gaye. Cette formation ne le dispense pas de bénéficier d’une diction impeccable au moment des interprétations des chants du terroir. Bailly Spinto par exemple. De ce dernier, il reprendra le titre Anouhoume, version reggae. Et c’est surement lui qui a inspiré Bailly à jouer sur ce mode musical, son tube au Parker Place. Il reprendra aussi Zadi Bobo d’Ernesto Djédjé dans un bété qui ne souffre d’aucune irrégularité, tout en n’oubliant pas de saupoudrer le chant de petits passages anglicisés, sur un beat Funk.

 Si Waipa Saberty est aussi à l’aise dans cette langue, c’est parce que Bertin Sahui Waikapa est le fils de Sahui Pierre, un agent de maitrise des Postes et télécommunications et de Koudouho Marcelline de qui il nait le 5 novembre, 33 mois avant les indépendances ivoiriennes, à l’hôpital annexe de Treichville. Le petit garçon fait ses premiers pas de scolarisation à St Jean Bosco où les répétitions, la charpente sonore des chants chrétiens et de la chorale, l’émeuvent. L’enfant de chœur est touché et voudrait chanter. Ça ne rate pas, il se retrouvera à peine sorti de l’adolescence dans le lead vocal de ‘‘Sélection Groupe’’avec David Wayou qui deviendra lui plus tard, John Yalley puis Kyffyz. Cet orchestre participe à Podium en 1977. Puis Waipa intègre la légion des chœurs de l’orchestre de la Rti aux côtés de la chanteuse Adjoukrou Jeanne Agnimel, de l’Abbey Nayanka Bell, de la baoulé Antoinette Konan, de Paul Nemlin et de bien d’autres dont les musiciens comme le guitariste Afri Loué, grand prix du conservatoire. Dans ce melting pot, à 21 ans, Waipa Saberty suit une excellente formation pratique où il côtoie, lui, l’élève de l’Institut national des arts (Ina, ancêtre de l’Insaac), ses professeurs. Il interprète du tout. De la pop, de la funk et sa voix cuit bien. C’est d’ailleurs lui que Georges Benson de la Rti approche pour coacher vocalement Alpha Blondy en grossesse de son premier album Jah Glory. Il en assurera la direction artistique au sein du groupe the Natty Rebels. Waipa rentre par Bob Marley et Alpha Blondy dans le reggae. Il n’en sortira plus. Il restera proche d’Alpha au point de se substituer au père de Bintou Were-were devenu aphone, et d’interpréter sans que le public ne s’en aperçoive, tout le répertoire de l’artiste. C’était à Minneapolis, aux Etats-Unis en 1988, avec le Solar System. Ce travail avec Alpha et d’autres artistes a saccadé quelque peu la production perso de Waipa, auteur de 4 albums. Aujourd’hui des espaces culturels le réclament par le canal des Vieux Môgô un conglomérat d’artistes anciens qui ont de beaux restes et qui n’ont rien à envier à la jeune génération.

Au contraire, à cette jeune génération, cet homme sans façon, au commerce agréable, décomplexé, conscient de sa valeur, adepte du travail professionnel et non de la frime, davantage artiste que Star, veut transmettre son savoir. Tout son savoir acquis à force de travail et au contact des grands comme Ernesto Djédjé, Fela, Rita Marley. Après 4 décennies en France, il érige à son retour, sur une superficie de 600m2, dans le quartier d’Abobo-baoulé, un centre de formation. Pourquoi ? 

« Parce que comme tous les métiers, l’art s’apprend. Je m’active à la mise en place d’un centre de formation aussi bien théorique que pratique des métiers de la musique. Il s’agira de former les chanteurs, les ventistes, les guitaristes, bref les instrumentistes dans leur ensemble. On formera aussi les techniciens sons et lumières. On formera encore des gestionnaires administratifs d’une production musicale. Certains autres se formeront à l’aspect législatif, les lois, les règles liées à l’organisation du spectacle. Autrement dit, en plus de la musique elle-même, tous les métiers annexes seront valorisés, pour ne plus que mes petits frères végètent. J’appelle de tous mes vœux que l’artiste améliore son cadre de vie. Un pensionnaire de mon centre de formation saura par exemple comment se vendre désormais. Entendez comment monnayer son talent… » dixit Waipa.

Bien dans ses bottes, le Directeur du centre Waikapa Saberty productions entend réussir son pari. Les anges du chant et de la musique l’accompagnent pour désengorger l’Insaac et fournir une nouvelle génération d’artistes bien formés. Quel réalisme ! La surcharge de réalisme, rend surréaliste, peut-être utopique. Ça tombe bien :l’utopie et l’audace paient en art. Toujours.

ALEX KIPRE

Pouvoirs Magazine

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