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Théâtre: Abla Pokou, l’infanticide à l’intelligence supérieure


Reine Pokou toujours vivante, arrive sur les planches pour jeter son fils dans une étendue d’eau. Ce sacrifice théâtralisé est le fait de la metteure en scène Françoise Dô, inspirée elle-même par le texte de l’écrivaine Véronique Tadjo.

Les indépendances ivoiriennes ont à peine 3 à 4 ans, et Véronique Tadjo, fille de ministre s’entend conter l’histoire d’Abla Pokou par sa mère l’artiste Michele Tadjo (1932-1998).

Abla tue son fils. Prise, comme beaucoup d’enfants, de frayeur ou de frissons, la fillette se représente l’héroïne de cette histoire sous les traits d’une Joconde ou une madone noire.

Elle retrouvera cette histoire longtemps après dans son livre d’histoire au moment où on aborde le royaume Ashanti, point de départ du royaume Baoulé.

Puis Tadjo se fait écrivain-poétesse en 1982 avec « Latérite » puis d’autres livres dont « L’ombre d’Imana ».

Cinq ans après ce livre écrit au Rwanda : « L’Ombre d’Imana » (prix Kailcedra), la romancière revisite en conteuse le mythe de la reine Pokou pour tenter, peut-être, d’exorciser sa peur et de réinventer l’enfance.

Le livre « Reine Pokou » sort chez Actes sud et obtient en 2005, le grand prix littéraire d’Afrique noire.

Vingt ans plus tard, Abla Pokou et son histoire inspire une autrice et metteure en scène qui adore les mises en danger et les autopsies historiques et humaines.

Alors Françoise Dô, femme de théâtre invente une pièce contemporaine à esthétique sobre avec une volonté de casser les codes, faire reculer les limites. Avec Françoise Dô, Abla Pokou est foncièrement moderne. La metteuse en scène et comédienne portraitise une femme en conservant l’horreur de l’infanticide à distance mais en désossant tous les envers fâcheux ou bien heureux de la violence silencieuse, du cri aphone.

Françoise Dô, éclate la vie de cette stratège militaire, cette femme de pouvoir au sang bleu, dans les corps de trois actrices, Rita Ravier, Alvie Bitemo et Yasmine Ndong Abdaoui, respectivement martiniquaise, congolaise et maroco-gabonaise donnent vie, corps encore à une légende originaire de partout où la femme est par la mission humaine convoquée.

Qu’est-ce qui peut pousser une femme à pousser les hommes à avancer dans un exode au cours duquel ils vont tous périr? Qu’est ce qui conduit la princesse de Kumassi, nièce d’Osei Tutu au destin promoteur à quêter beaucoup de douleur dans la gloire?

Une pièce à voir pour apprécier la qualité de la lumière magnifiquement ciselée. Des costumes aussi.

ALEX KIPRE

POUVOIRS MAGAZINE

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