Après le post du joueur sur ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Zaha, accusé par certains d’être peu investi dans la sélection nationale, le journaliste sportif Gohourou revient sur ses propos controversés.
Accusé d’avoir « jeté de l’huile sur le feu », il assume, nuance et réaffirme son devoir d’informer. Entretien sans langue de bois avec l’une des voix les plus influentes du paysage médiatique sportif ivoirien.
POUVOIRS MAGAZINE: Monsieur Gohourou, une partie du public vous tient pour responsable de la polémique autour de Wilfried Zaha. Ce dernier vous a même qualifié de “fou”. Reconnaissez-vous une part de responsabilité dans cette affaire ?
Martial Gohourou : Lors de notre émission L’Heure des tchatcheurs, une question a été soulevée concernant l’absence de Wilfried Zaha de la sélection nationale pour la CAN 2023. J’ai évoqué certains comportements du joueur, perçus comme des exigences particulières. Notamment en matière d’hébergement et de restauration. Ce n’était pas une attaque personnelle, mais une réponse à une interrogation légitime.
PM: Était-ce une plaisanterie ? Une simple rumeur ? Une information exclusive ?
MG : Ni l’une ni l’autre. Il s’agissait d’une confidence, transmise par des sources proches du groupe. Je ne vais pas livrer ces/mes sources, vous savez qu’un journaliste les protège et cela fait partie de nos devoirs. Nous avons estimé qu’il était de notre devoir d’en faire état. Tout simplement.
PM : Zaha dit avoir été profondément blessé par vos propos.
Qu’espériez-vous faire passer comme message ? Et pourquoi, selon vous, sa réaction est-elle aussi vive ?
MG : J’ai simplement voulu rappeler que la sélection nationale n’est pas un espace de confort, mais un engagement patriotique. Être convoqué, c’est répondre à l’appel du drapeau, pas poser ses conditions. Peut-être que mes propos ont été mal compris, mais l’intention n’était pas de blesser, plutôt de faire réfléchir. Par ailleurs, je m’étonne que sa réaction n’intervienne que maintenant, plus d’un an après les faits. Tout cela remonte à plusieurs mois. Pourquoi ressusciter ça seulement maintenant alors que nous abordons une échéance importante et que le groupe a besoin de concentration? De sérénité? Je me et vous pose la question. Le timing choisi, invite à réflexion.
PM : Les médias ivoiriens – vous y compris – n’ont-ils pas parfois tendance à transformer les figures publiques en cibles médiatiques, voire en objets de divertissement ?
MG : Je ne partage pas cette lecture. Les personnalités publiques, notamment les sportifs, doivent accepter que leurs faits et gestes soient observés. Cela ne signifie pas les ridiculiser. Nous nous efforçons de relater les faits avec rigueur, même si cela peut déranger. Dans le cas de Zaha, j’ai évoqué des éléments fondés, sans chercher à lui nuire personnellement. J’ai par exemple parler de son refus de s’entraîner, de son isolement qui dans un groupe où on a besoin de solidarité peut créer problème. Pourquoi ne parle t-on pas de ça et on s’arrête sur cet épisode anecdotique de de riz…
Votre question me donne l’occasion de revenir sur un épisode tout aussi sensible : l’affaire Drogba.
Autre figure publique: Didier Drogba. Drogba est, sans conteste, un joueur exceptionnel. Un athlète hors norme. Il fait partie des plus grandes figures du sport ivoirien, et nul ne saurait remettre cela en cause.
Mais une fois qu’on a reconnu l’immense carrière du joueur, il faut aussi savoir faire la distinction entre le footballeur de légende et le dirigeant d’une institution aussi complexe que la Fédération ivoirienne de football. Ce sont deux rôles radicalement différents, avec des exigences distinctes.
Lorsque j’ai osé poser la question de sa réelle préparation à assumer de telles fonctions, j’ai immédiatement été la cible de critiques virulentes. Et je peux le comprendre : il est une icône nationale, presque intouchable dans l’imaginaire collectif. Mais je parlais, moi, du candidat à la présidence de la FIF, pas de l’ancien capitaine des Éléphants.
Et qu’a montré la suite ? Les faits. L’histoire m’a donné raison : son manque de préparation, sa méconnaissance des rouages internes et l’absence d’un vrai projet structuré ne lui ont pas permis de remporter cette élection. Ce n’est pas une attaque personnelle, c’est un constat professionnel. Je ne suis pas un supporter, je suis journaliste.
PM : Qu’avez-vous appris en tant que journaliste justement de cette controverse sur le pouvoir des mots ?
MG: Que chaque mot a un poids, et que ce poids peut parfois dépasser notre intention initiale. J’ai lu la réaction du jeune Wilfried. S’adressant à un internaute, il a écrit: « Ta Maman ». Une insulte à un fan ou un supporter. Je reste persuadé qu’il ne voulait pas « blesser » ce fan. Il a utilisé un mot malheureux. C’est dommage. C’est pourquoi je m’efforce de mon côté, dans chacune de mes interventions, de rester fidèle à la vérité, sans tomber dans l’excès ni l’émotion gratuite.
PM : Souhaitez-vous adresser un message à Wilfried Zaha ?
MG : À Wilfried Zaha, je voudrais dire que je n’ai rien contre lui en tant qu’individu. Nous avons même soutenu son retour en sélection à plusieurs reprises. J’étais l’un des seuls et rares à le faire, à une époque les autres n’en disaient pas grand bien. Mon souhait est qu’il mette son immense talent au service de la nation. En respectant certains codes qui s’imposent à tous ceux qui portent le maillot national.
PM : Vous êtes l’une des voix les plus suivies du journalisme sportif ivoirien. Que diriez-vous aujourd’hui à un jeune journaliste qui débute, et à un joueur qui aspire à devenir un exemple ?
MG : À l’un comme à l’autre, je dirais ceci : seule la rigueur, la discipline et le travail constant mènent à l’excellence. La passion doit s’accompagner de professionnalisme, que l’on soit derrière un micro ou sur un terrain.
propos recueillis par
DESIRE THEA
photo:dr
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