Dette africaine : arme impérialiste

2 jours

La dette extérieure de l’Afrique frôle les 1 300 milliards de dollars. Entre impérialisme financier, dépendance à la Chine, et gouvernance opaque, l’avenir économique du continent s’écrit sous contraintes.

Retour sur les mécanismes, les acteurs et les dérives d’une dette aux multiples visages.

« La dette est une corde qui sépare le veau de sa mère. »
— Massa Makan Diabaté

1. La dette : arme impérialiste aux racines historiques profondes

On a utilisé, depuis le 19e siècle, la dette comme outil de domination géopolitique et économique. De la Grèce à l’Égypte en passant par Haïti ou la Tunisie, des puissances étrangères se sont imposées à des nations souveraines. Par le levier de l’endettement.
Les créanciers imposaient leurs conditions, jusqu’à prendre le contrôle budgétaire, fiscal ou même militaire des États défaillants.


L’histoire démontre que la dette publique a souvent servi d’instrument silencieux pour affaiblir, contrôler puis subjuguer des nations.

Aujourd’hui, ce schéma se reproduit : la dépendance financière expose des pays à des pressions diplomatiques et économiques majeures. L’Afrique n’échappe pas à cette logique.

2. Qui détient la dette africaine ? Les grands contributeurs à la spirale

En 2025, l’Afrique comptera plus de 1 300 milliards de dollars de dette extérieure, dont la moitié est détenue par sept pays.

Top 5 des contributeurs :

  • Afrique du Sud : 13,1 %

  • Égypte : 12 %

  • Nigeria : 8,4 %

  • Maroc : 5,9 %

  • Mozambique : 5,4 %

Phrase de 19 mots :
Une concentration de la dette sur quelques pays majeurs accroît les risques de contagion régionale et de crise budgétaire élargie.

Le reste de la dette est réparti entre des économies plus petites, souvent plus vulnérables aux chocs financiers, comme le montre la situation du Soudan, du Kenya ou du Ghana.

3. Dette cachée, risque visible : le cas de l’Afrique subsaharienne

Dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, des dettes « hors-bilan » ou non divulguées rendent l’analyse des risques complexe.
Exemples marquants : la Zambie, le Ghana ou encore l’Éthiopie, dont les défauts de paiement ou renégociations de dette ont révélé l’ampleur de l’endettement réel, souvent contracté à des conditions opaques.

La dette extérieure cachée compromet les politiques économiques, l’autonomie budgétaire et les stratégies de financement à long terme des États.

Plus de 60 % des pays africains à faible revenu présentent aujourd’hui un risque élevé de surendettement, malgré des ratios dette/PIB parfois faibles. Pourquoi ?
Car une grande partie de la dette est libellée en devises étrangères, et devient plus coûteuse dès que les monnaies locales s’affaiblissent.

4. Détenteurs de dette : vers une nouvelle forme de dépendance chinoise ?

43 % de la dette extérieure africaine est détenue par des créanciers privés, 34 % par des multilatéraux et 23 % par des bilatéraux.

Parmi ces derniers, la Chine est devenue le premier créancier bilatéral du continent, avec plus de 182 milliards de dollars de prêts documentés répartis sur 1 300 lignes de financement.

Par ses prêts massifs, la Chine s’impose comme acteur-clé des finances africaines, mêlant diplomatie, infrastructure et contrôle énergétique.

Répartition sectorielle des prêts chinois à l’Afrique :

  • Énergie : 62,7 Mds USD

  • Transports : 52,6 Mds USD

  • Télécommunications : 15,6 Mds USD

  • Finances et divers : 12 Mds USD

L’Angola, par exemple, a échangé du pétrole contre des infrastructures via un mécanisme de financement adossé à ses ressources naturelles.

5. Que peut-on retenir ? Les leçons d’un système sous pression

  • En 2025, 88,7 milliards de dollars seront versés par les pays africains au titre du service de la dette extérieure.

  • Cela représente presque l’équivalent du PIB de la Côte d’Ivoire, moteur économique de l’espace UMOA.

  • 20 pays africains à faible revenu sont en situation de surendettement ou proches de l’être.

  • La dette africaine équivaut à 24,5 % du PIB combiné du continent, avec de fortes disparités régionales.

Phrase de 19 mots :
Une dette extérieure aussi lourde qu’inégale accentue les déséquilibres macroéconomiques et affaiblit les souverainetés nationales africaines.

« Il y a deux façons de conquérir et d’asservir un pays : par l’épée, ou par la dette. »
— John Adams

Camus BOMISSO, FRM
Administrateur indépendant – Spécialiste en gestion des risques et processus stratégiques
photo:dr

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