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29 juin 2007 – 29 juin 2025 : L’attentat de Bouaké, dix-huit ans d’ambiguïtés politiques

Guillaume Soro a échappé à la mort, ce 29 juin 2007, sur le tarmac de Bouaké, fief de sa rébellion.

Son avion est pris pour cible par des tirs de roquettes et kalachnikovs, alors qu’il entame une visite officielle.

Quatre membres de sa délégation meurent, plusieurs autres sont blessés ; lui, seul, sort indemne de cette attaque ciblée.

À l’époque, il est premier ministre, tout juste nommé par son ancien adversaire, Laurent Gbagbo, après un accord de paix.

La rébellion qu’il dirigeait depuis 2002, les Forces nouvelles, est censée intégrer les institutions ; mais les tensions internes persistent.

Des voix, dans son propre camp, l’accusent d’avoir trahi la cause rebelle en se rapprochant du pouvoir présidentiel.

L’attentat de Bouaké survient dans un contexte de transition politique instable, marqué par la méfiance et les luttes d’influence internes.

Dès le départ, personne ne revendique l’attaque, et les investigations officielles s’arrêtent vite, sans désigner clairement de commanditaires.

Certains pointent du doigt des éléments incontrôlés des Forces nouvelles, hostiles au rapprochement avec le président Laurent Gbagbo.

D’autres évoquent la possibilité d’un coup monté par des adversaires de Soro au sein même du régime en place.

La thèse d’un auto-attentat, mise en scène pour consolider son autorité, a également circulé dans la presse sans preuve définitive.

Ce flou stratégique sert plusieurs camps.

Chacun utilisant l’événement pour accuser l’autre ou décrédibiliser les alliances en place.

Mamadou Traoré, fidèle lieutenant de Guillaume Soro avait des années plus tard avoué:

« Nous avions accusé à tort, je l’avoue aujourd’hui, Laurent Gbagbo d’être à la base de cet attentat. Tout juste pour étouffer cette crise interne qui couvait entre les Forces Nouvelles et certains faucons du RDR. Et pour ne pas se laisser distraire de son objectif. Pour ne pas mettre mal à l’aise le Président du RDR pour qui j’insiste, Guillaume Soro avait une profonde dévotion. Bogota n’a pas voulu insister sur les enquêtes qui devraient avoir lieu pour identifier les commanditaires de cette attaque.

Il ne voulait pas que ces enquêtes éclaboussent le RDR qui était son allié principal. Même s’il savait que certains de ses faucons étaient de mèche avec les acteurs de l’attentat sur son avion. Et cela, sans que le Président de ce parti n’en soit informé. En tout cas, c’est ce que pensait Guillaume Soro. »

L’Union africaine, la CEDEAO, la France et l’ONU dénoncent l’attaque, mais ne proposent aucune enquête indépendante, ni mission de clarification.

Dix-huit ans plus tard, aucun nom, aucun procès, aucune reconnaissance officielle.

Le dossier de Bouaké reste un angle mort politique.

Guillaume Soro, ex-chef rebelle devenu Premier ministre, puis président de l’Assemblée nationale, vit aujourd’hui en exil, poursuivi par la justice ivoirienne.

Condamné par contumace pour complot et détournement de fonds publics, il affirme être victime d’un acharnement politique organisé par Abidjan.

L’homme qui a survécu à une tentative d’assassinat n’est plus un acteur du pouvoir, mais un fugitif surveillé.

Son exil force à relire différemment l’attentat de 2007 : coup hostile, manipulation interne ou simulation stratégique pour renforcer son image ?

Le fait qu’aucune vérité judiciaire n’ait été établie entretient l’idée que l’attentat arrangeait plusieurs camps opposés.

Le lieu même de l’attaque, Bouaké, cœur de la rébellion, rend la situation encore plus trouble et politiquement délicate à décoder.

Guillaume Soro incarne depuis cette date l’ambivalence permanente : rebelle intégré, allié incertain, cible ou manipulateur, traqué ou stratège.

L’événement du 29 juin 2007 reste un point de bascule, une fracture non résolue dans l’histoire politique ivoirienne contemporaine.

AK

photo:dr

POUVOIRS MAGAZINE

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