L’alphabet de la haine: quand l’école apprend à écrire des menaces de mort

4 semaines

La lettre sur laquelle s’appuie l’édito de cette semaine n’est pas le fruit d’une sordide imagination. Elle constitue le miroir d’une faillite morale.

Et d’une inquiétante dérive au sein du système éducatif, qui, faute de repères solides et de suivi rigoureux, laisse émerger des comportements aussi alarmants qu’inacceptables. Des enfants capables de rédiger des menaces de mort avec une aisance déconcertante, là où une simple lettre de motivation reste pour beaucoup un exercice insurmontable.

Des mots gribouillés à la va-vite, sur une feuille froissée, sans majuscules, sans grammaire, sans frein. Mais avec une rage intacte. C’est le produit d’un modèle éducatif en crise, affaibli par des décennies de négligence, de réformes inachevées. Et de désengagement progressif.

Une école de la facilité, souvent livrée à elle-même, et qui, parfois, semble tolérer, sinon légitimer, une culture de la tricherie. Au risque de faire passer un sale quart d’heure à ceux qui, par conscience professionnelle, osent encore en rappeler les règles. Ici, on apprend parfois à menacer avant de savoir conjuguer, à violenter avant de décliner. A haïr avant même d’apprendre à lire et se relire.

Radiographie d’une institution vacillante

Ce n’est pas une anecdote isolée. C’est la radiographie douloureuse d’une institution qui vacille, dans un État qui aspire à intégrer le club des pays à revenus intermédiaires à l’horizon 2030. Dans cinq petites années seulement. La lettre en question cristallise un symptôme : celui d’un mal profond qui interpelle autant les familles que les autorités. Les enseignants que les élèves.
La menace n’est plus une métaphore. C’est la terrible réalité qui donne froid dans le dos. S.N., professeur de mathématiques en poste au collège municipal de Zikisso et membre du secrétariat du centre d’examen, a vu son domicile attaqué à coups de pierres et de bouteilles, après avoir été accusé d’avoir empêché des candidats de tricher lors des épreuves du baccalauréat !

Indignation ?

Une lettre manuscrite contenant des menaces explicites a été retrouvée à son domicile, selon une information relayée sur les réseaux sociaux par Niamien Sarkozy, secrétaire général national du CONAPEPSCI. Cet acte, au-delà de l’indignation légitime qu’il pourrait susciter, soulève une question fondamentale : comment en est-on arrivé là ?
Faudrait-il s’en étonner ou être surpris que des apprenants revendiquent ouvertement le droit de tricher ? Peut-être. Mais de quoi cette attitude et ces comportements déviants sont-ils le reflet ?

Lorsque des hauts fonctionnaires prospèrent dans la corruption et le faux, que certains ministres de la République s’illustrent davantage par des invectives que par l’exemplarité, il serait illusoire d’attendre de la jeunesse qu’elle respecte des principes que l’élite elle-même piétine allègrement. On récolte les citoyens qu’on a semés. Sans éducation au civisme et à la citoyenneté, les fondations mêmes de la République se fragilisent. C’est sociologique. La société se pérennise par reproduction. Et sans rupture de ce cycle, les mêmes dérives se perpétuent.

État des lieux

Avant d’exhorter à la paix et à la discipline, il faudrait déjà savoir ce qu’on enseigne et pourquoi. Or, aujourd’hui, et de manière objective, quelle est la politique éducative en Côte d’Ivoire ?
À chacun de dresser l’état des lieux. Une politique éducative cohérente découle d’un véritable projet de société, structuré, financé, assumé.

Elle ne peut être une promesse de campagne éphémère, mais doit reposer sur des engagements durables et mesurables. L’avenir de la jeunesse ne devrait pas se construire dans des écoles délabrées, des salles de classe surpeuplées, avec des enseignants souvent sous-payés, démotivés, et pour certains, marginalisés — sans faire injure aux nombreux enseignants qui, malgré tout, tiennent debout la flamme du savoir.

Comment produire des résultats de qualité quand tant de personnels éducatifs peinent à s’affranchir du minimum vital ? Comment espérer former des esprits respectueux de l’autorité, de l’ordre, de la discipline et de l’intérêt général dans des conditions aussi hostiles à la pédagogie ?
Poser la question, c’est y répondre.

ETAU.NET

photo:dr

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