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Dans le monde du football, une vérité immuable traverse les générations : le beau jeu.

Plus qu’une esthétique, c’est une arme redoutable pour la performance. À chaque passe maîtrisée, chaque dribble audacieux, chaque envolée offensive, l’équipe se forge une identité. Et, souvent, une victoire. Mais est-ce vraiment le cas lorsque l’on néglige ce principe.

Et que l’on s’accroche à une philosophie du « l’important, c’est de gagner » à tout prix ?

Faé Émerse, le sélectionneur des Éléphants, en sait quelque chose. Acculé par les critiques de journalistes dont Rash N’Guessan et d’autres observateurs acerbes, il a répondu.

Mais avec une remarque qui a fait débat : « Qu’on nous présente le premier trophée officiel gagné par une sélection pour son beau jeu. » Une déclaration qui, bien que défensive, soulève des questions essentielles.

En effet, il est impossible de décerner un trophée officiel pour le « beau jeu ».

Mais cela n’empêche pas que ce dernier puisse être l’élément clé de la réussite.

Le football, comme beaucoup d’autres disciplines, est un art où l’harmonie de l’esthétique et de l’efficacité doit se conjuguer. Faé semble plaider l’exception, prenant pour règle une victoire qui a été plus due à la chance qu’à une véritable domination du jeu. La Côte d’Ivoire, lors de la dernière CAN 2024, a triomphé. Contre toute attente.

Mais en vérité, ce succès s’est construit sur des détails, une série de circonstances favorables. Si l’on rejouait cette CAN dix fois, la Côte d’Ivoire ne serait probablement couronnée qu’une seule fois. La chance, la providence, ce sont des exceptions.

La règle, elle, est bien plus limpide : lorsqu’on joue bien, on est performant, et on gagne. Et on attire le public qui remplit les stades. Il serait fallacieux de croire que l’on peut bâtir une équipe championne sur des bases fragiles. Simplement en comptant sur la chance.

Faé le sait dans son cœur, et il l’a probablement compris en l’espace de quelques heures, bien que son discours ne l’indique pas encore. Parce que l’histoire du football a montré que des équipes qui jouent mal peuvent certes décrocher des trophées.

Mais cela n’est pas une norme. Ce n’est pas un modèle à suivre, car en réalité, dans ce sport, tout passe par le jeu. Un jeu beau, structuré, audacieux, inspirant.

L’erreur de communication, ce n’est pas seulement l’expression défensive de Faé. C’est aussi la gestion de son discours. Il s’expose, sans le vouloir, à une critique plus sévère que ce qu’il imagine.

Cette énième erreur de communication, au moment où la Côte d’Ivoire lance idéalement ses qualifications à la CAN 2025, vient ternir l’image d’un sélectionneur qui, dans l’esprit de beaucoup, ne semble pas en phase avec les attentes populaires.

Quand il réagit sèchement à une question de journaliste. Rappelant à celui-ci qu’il doit d’abord « passer son diplôme d’entraîneur », Faé se fragilise, même si la phrase suscite un sourire dans l’assistance. Mais ces petites étincelles peuvent provoquer un incendie.

Le mépris affiché vis-à-vis de la presse est une erreur stratégique. Car ce sont souvent ces mêmes journalistes qui devront défendre Faé face aux critiques qui, inévitablement, surgiront dans la tempête de ses résultats.

L’histoire du football a prouvé que ce n’est pas tant la victoire qui forge l’image, mais la manière dont elle est obtenue. Prenons l’exemple de Pep Guardiola : plusieurs mauvais matchs avec Manchester City, et pourtant, son poste n’a jamais été menacé. Pourquoi ?

Parce qu’il est connu pour produire un football qui inspire. Un jeu qui captive les supporters et qui dépasse les simples résultats. Un entraîneur qui se maintient grâce à la beauté du jeu, même quand les victoires se font rares, est celui qui incarne un véritable projet.

À l’inverse, un sélectionneur qui néglige le beau jeu, même s’il triomphe dans une compétition, se place sur un terrain instable.

Faé doit bien comprendre que le beau jeu n’est pas une option secondaire. Il n’est pas un luxe.

Il est l’essence même de la pérennité dans ce métier.

Un entraîneur qui fait rêver, qui joue bien, est un entraîneur qui ne peut pas être évincé facilement.

Même lorsqu’il traverse des périodes de turbulences. La beauté du football transcende les critiques, elle fédère les foules et fait l’histoire. C’est à ce prix-là que Faé à qui l’on recommande de maitriser sa communication, doit bâtir son équipe.

Car si le football est un jeu de chance, il est aussi un jeu d’intelligence. Faé a l’intelligence de savoir que cette chance ne se répétera pas éternellement. La question qu’il doit se poser n’est pas « Est-ce que nous avons gagné ? », mais bien « Comment avons-nous joué pour gagner ? » Et là réside toute la différence. Il n’est pas trop tard pour rectifier le tir et donner à la Côte d’Ivoire le football qu’elle mérite : un football à la fois beau, efficace et redoutable.

ALEX KIPRE

photo:dr

POUVOIRS MAGAZINE

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