L’humiliation, terreau des révoltes : vers un nouvel affrontement en Côte d’Ivoire ?

3 mois

On n’humilie jamais une communauté impunément. L’histoire regorge d’exemples où le mépris et la marginalisation ont enfanté des révoltes.

La Côte d’Ivoire, terre de tensions et de recompositions politiques, en sait quelque chose mieux que quiconque.
C’est une communauté d’humiliés qui, jadis, donna naissance au RDR, que Djeni Kobena a porté. Et le Pdci et fologo ont meurtri.
C’est une communauté d’exclus qui trouva en Alassane Ouattara un symbole. Lui dont les origines furent sans cesse contestées.
C’est une génération de frustrés qui vit en Guillaume Soro un espoir. On stigmatisa Soro avant qu’il ne prenne les armes.

À l’époque, ces blessures avaient fini par justifier, tolérer, voire encourager une rébellion, un basculement vers la radicalité.
Aujourd’hui, l’histoire semble bégayer avec une ironie cruelle. Après Gbagbo et son clan, c’est Thiam qui subit le même traitement.
Avant même d’avoir un bureau politique, il est déjà brocardé sur ses origines, moqué pour sa gestuelle, étiqueté Français ou Sénégalais.

L’exclusion par le ridicule, l’ostracisme par le soupçon, l’assignation identitaire sont des armes dangereuses dans une société en recomposition.
Le RDR, devenu une fraction du RHDP, semble aujourd’hui reproduire exactement ce qu’il dénonçait hier avec amertume et douleur.

Un climat qui frôle la provocation politique

Il y a dans l’air une tension, une crispation, une montée des hostilités que le pouvoir semble cultiver avec un certain cynisme.
En s’attaquant à Thiam, en froissant Gbagbo, en rabaissant l’opposition, le pouvoir ivoirien semble jouer avec les braises de l’histoire.
Tout se passe comme si le RHDP voulait un affrontement, un dérapage, une confrontation évitable mais sciemment attisée.

Et pourtant, il suffirait d’un peu de retenue, d’un peu de hauteur, pour éviter un clash aux conséquences incalculables.
Ce qui rend la situation d’autant plus absurde, c’est que ce sont deux partis de droite qui s’affrontent avec tant de virulence.

Or, la droite, par essence, est conservatrice, soucieuse de la stabilité, de l’ordre et de la continuité des institutions.
Elle devrait chérir la paix, idolâtrer la cohésion nationale, préserver l’héritage d’Houphouët-Boigny. Ce guide commun du PDCI et du RHDP.
Houphouët-Boigny prônait le dialogue, la réconciliation, l’unité nationale. Et ces valeurs devraient aujourd’hui encore guider l’action politique.
Mais en Côte d’Ivoire, la politique semble avoir oublié cette sagesse. Préférant les divisions aux ponts, la provocation à l’apaisement.

Jusqu’où cette logique du bras de fer nous mènera-t-elle ? Et surtout, qui en paiera le prix une fois de plus ?

ALEX KIPRE

POUVOIRS MAGAZINE

 

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