Aux « chroniqueurs et éditorialistes » d’Ali Diarrassouba
Il est crucial de souligner qu’un bon éditorial ne doit pas être une simple réflexion des bruits et des passions du terrain politique.
Ce n’est pas un secret, dans l’arène politique, les hommes de pouvoir sont des séducteurs, des manipulateurs parfois. Capables d’influencer et de modeler les opinions selon leurs intérêts. Or, un éditorialiste, un chroniqueur doit être libre de toute pression extérieure. Il doit s’élever au-delà de la mêlée. Loin des manœuvres partisanes qui, souvent, envahissent l’espace public.
Dans le cadre d’une élection, le terrain a son rôle. Les meetings, les réunions, les rencontres entre électeurs et candidats sont essentiels pour capter l’air du temps. Et comprendre les préoccupations immédiates du peuple. Mais au-delà de cette immédiateté, c’est la pensée, l’analyse distanciée qui forge une vision solide et pérenne. L’éditorial, loin d’être une réaction aux événements, doit être un produit de réflexion et de sagesse. C’est dans cet espace de recul que la pensée se fait : loin de l’effervescence du terrain, mais ancrée dans une vision plus large des enjeux.
L’éditorialiste, par son regard élargi, sa capacité à dénouer les fils de l’actualité sans se laisser submerger par l’émotion, est celui qui peut peser sur l’opinion publique. Il peut, par une simple réflexion, influencer un électeur indécis. Ou même modifier l’avis d’un individu déjà acquis à une cause. C’est ici que réside le pouvoir de la pensée. Quand un éditorialiste prend position, il ne se contente pas d’être un simple chroniqueur de faits. Il se transforme en un guide. Eclairant les enjeux sous des angles souvent inaccessibles à ceux qui sont pris dans l’intensité du moment.
Malheureusement, dans nos sociétés, nombre de nos chroniqueurs et éditorialistes se retrouvent trop souvent pris dans la spirale émotionnelle du terrain politique.
Au lieu de conserver cette distance nécessaire, ils se laissent séduire par les politiques ou par leurs largesses prises pour de la gentillesse. C’est un investissement. Ils se laissent happer par les événements et, progressivement, leur métier change. Ils ne sont plus de véritables analystes, mais des témoins ou des reporters, influencés par ce qu’ils ont vu, entendus et ressenti. En d’autres termes, ils perdent leur capacité à juger avec la distance nécessaire, et se voient réduits à relater ce qu’ils perçoivent, dans une sorte de journalisme immédiat et sans profondeur.
Le rôle d’un bon chroniqueur, d’un bon éditorialiste, est de se nourrir de l’histoire, d’observer sans être immergé dans l’émotion du moment. Il doit avoir la capacité de voir flou, de prendre du recul, pour mieux cerner les enjeux sous-jacents. C’est à cette condition qu’il peut apporter une analyse juste, impartiale et nourrie d’une véritable réflexion. À cet égard, l’éditorialiste est un penseur, pas un acteur de terrain.
Aujourd’hui, il est essentiel que nos éditorialistes et chroniqueurs retrouvent cette capacité à penser librement, loin de la pression du terrain. Car, comme le montre l’exemple des élections, ce n’est pas seulement la présence sur le terrain ou l’intensité des émotions qui influencent un peuple, mais bien la pensée claire et lucide qui se construit, loin des passions et des manipulations politiques. Une véritable opinion se forge à travers une analyse détachée et profonde. Ce devrait être la norme, et non l’exception.
ALEX KIPRE
POUVOIRS MAGAZINE