Nous revenons sur une autre lettre que ce prêtre africain que nous évoquions dans nos pages, a écrit au Pape François. L’objectif était de mettre en lumière L’Afrique dans son rapport avec la foi chrétienne. Précisément les ambiguïtés et défis de cette relation.
Dans le débat sur Fiducia Supplicans, le prêtre africain précise qu’il n’est pas question de faire croire que l’Afrique est toujours du bon côté. Ni que les Africains n’ont plus de progrès spirituels à accomplir. Il ne faut pas non plus affirmer que les Occidentaux seraient déjà tous damnés. Il émet des réserves concernant les discours qui utilisent Fiducia Supplicans pour faire des amalgames. Soulignant que de tels discours ne favorisent ni la vérité ni la sérénité dans le débat.
Il insiste sur le fait qu’il est essentiel de dissocier la déclaration du SCEAM, qui fournit un éclairage constructif, des prises de position personnelles. Lesquelles critiquent l’Occident. Notamment en ce qui concerne la question homosexuelle. Il reconnaît les origines de ces tensions, déjà évoquées par certains, mais souhaite clarifier cette position afin que le débat reste centré sur l’Église.
La question n’est pas de réduire les réserves africaines sur Fiducia Supplicans à une simple question de sous-culture.
Cependant, il appelle à éviter les invectives contre l’Occident.
Afin de ne pas confondre la parole chrétienne avec celle des non-chrétiens.
Le prêtre rappelle que, en tant que chrétiens, il n’est pas nécessaire de s’en prendre à l’Occident. Et formuler un rejet clair de ce qui, selon le point de vue africain, va à l’encontre de la nature humaine. Si certains ecclésiastiques estiment que les arguments de l’Évangile ne suffisent pas pour exprimer ce rejet, il serait plus approprié qu’ils prennent la parole uniquement au nom de l’Afrique.
Et non au nom de l’Église. Cette position, bien qu’elle soit défendable, ne reflète pas nécessairement la mission de l’Église de proclamer Jésus comme Seigneur. Et de témoigner de la vérité sur l’humanité.
Un homme d’Église, poursuit-il, ne devrait pas aborder des questions religieuses en se fondant uniquement sur des considérations raciales ou culturelles. Mais sur le mystère chrétien. Il est primordial que la parole publique des chrétiens d’Afrique contribue à l’unité et à la vérité de l’Évangile. Sans susciter de divisions raciales. Sinon, comme l’a souligné Jacques Ellul, l’utilisation de Jésus-Christ dans des schémas humains risque de le dénaturer. Ce qui constitue un mensonge.
Le prêtre rappelle que les divergences au sein de l’Église sur des questions telles que Fiducia Supplicans ne sont pas nouvelles. Depuis les débuts de l’Église, elle a toujours été au cœur de contradictions. Et c’est dans ces tensions que la mission de l’Église progresse.
La théologie, qui sert la foi chrétienne, est nécessaire à la vie et à la mission de l’Église. En scrutant toute la vérité sous la lumière de la foi.
La vérité de Dieu s’impose toujours, et cela ne changera pas.
C’est pourquoi la théologie doit s’appuyer sur la Sainte Écriture, la Tradition et les orientations du Magistère.
Un document du Magistère mis en débat ne doit pas être perçu comme un obstacle à l’Église, mais plutôt comme une opportunité d’enrichissement. Ce débat, s’il reste dans le cadre de l’Église, peut être bénéfique sans produire de vainqueurs ou de vaincus. Le prêtre insiste sur l’importance d’éviter les demi-vérités et appelle à un retour à la vérité pour maintenir l’unité de l’Église.
Il fait également remarquer que certaines déclarations d’écclésiastiques africains, loin de clarifier les choses, sèment la confusion et nous éloignent de l’Évangile. Ce positionnement peut mener à un conditionnement dont il est difficile de se libérer. Il considère qu’il est important d’éviter des prises de parole individuelles qui n’apportent pas de réponse aux interrogations actuelles. Ainsi, il souligne que la position de l’Église doit s’appuyer sur des vérités claires, et non sur des demi-vérités.
L’attaque contre l’Occident est jugée inutile, car contrairement à ce que certains affirment, en Occident, tous les couples ne sont pas homosexuels. Les couples hétérosexuels sont largement majoritaires, et certains Occidentaux expriment ouvertement leur désapprobation de l’homosexualité.
Même dans les pays où des lois ont été votées pour protéger les personnes homosexuelles, celles-ci subissent encore des agressions en raison de leur orientation sexuelle.
La question homosexuelle demeure donc un sujet de débat, même dans les sociétés occidentales où elle est légalisée.
Le prêtre critique les discours populistes de certains ecclésiastiques africains, qui vont au-delà des déclarations du SCEAM et prétendent représenter l’Église tout en dénigrant l’Occident. Selon lui, ces propos créent une confusion entre le rôle de l’Église et celui des ministres qui s’autorisent à juger les sociétés humaines.
Il souligne que l’Église n’a ni la compétence technique ni le pouvoir institutionnel pour définir la forme politique des sociétés.
Comme l’a rappelé la conférence épiscopale de France. L’Église doit se concentrer sur l’encouragement des valeurs spirituelles et la construction d’un monde plus digne de l’homme, en évitant la tentation de la gestion théocratique.
L’Église, poursuit-il, doit éviter de se mêler des affaires temporelles sous prétexte de remplir une mission politique.
Elle doit être à l’écoute de l’Esprit du Ressuscité pour inspirer des voies nouvelles qui favorisent un développement intégral.
Et non se laisser distraire par des considérations politiques ou raciales.
La perte de lucidité, qu’il perçoit dans certains discours, résulte de l’illusion d’avoir un droit divin de juger les autres. C’est dans cette confusion que l’Église perd sa crédibilité.
Enfin, le prêtre ivoirien souligne que, bien qu’il y ait de nombreuses attentes vis-à-vis des décideurs politiques en Afrique, l’Église doit se concentrer sur la dignité humaine et sur les valeurs spirituelles qui guideront les sociétés.
L’Évangélisation est indissociable de la promotion humaine, comme l’a souligné le Pape Paul VI.
Le salut implique également la libération des injustices sociales, ce qui ne doit pas être oublié dans l’engagement de l’Église pour un monde plus juste et plus humain.
AK
photo: dr
POUVOIRS MAGAZINE