Portrait. Michèle Yakice, Alice, merveille du pays Attié

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Michèle Yakice : L’étoffe d’une révolutionnaire au pays Attié

« BozéAblokikpêkalou han lé que hé kadio », traduit de l’Attié, signifie : « Tu es allée en Europe, et tu n’as rien trouvé de mieux que confectionner des habits ». Ces mots, blessants à première vue, sont pourtant ceux qui ont déclenché la transformation d’Alice Yapo Akochi en Michèle Yakice, une révolutionnaire discrète, mais déterminée dans l’univers de la mode ivoirienne.

Coudre, découper, manipuler étoffe et aiguille était autrefois perçu comme une défaite, un échec face aux attentes d’une société qui exigeait de la jeunesse des métiers “nobles”. Comment une jeune fille, première de sa classe, major à l’entrée en 6e dans toute la sous-préfecture d’Alépé, pouvait-elle se contenter de ciseaux et d’épingles ? Alice, aînée de famille, n’a pas suivi les sentiers tracés de la médecine ou du droit, des professions convenues qui auraient permis à ses parents d’arborer fièrement le port altier. Non, elle a embrassé un destin différent, celui de la mode, un domaine alors mal considéré.

Pourtant, les années ont passé, et aujourd’hui, le pays Attié n’accourt plus pour juger Alice, mais pour confier ses enfants à Michèle Yakice, fille de Jean-Baptiste Yapo et d’Apo Elisabethcomme pour lui dire : « Non gbouyé ! Odzoboué », ou encore : « Fais d’eux des femmes qui te ressemblent. » Car Alice est devenue Michèle, et avec elle, le métier autrefois moqué s’est transformé en fierté nationale, “la chose d’Akichi.”

Une transformation en série

À peine adolescente, Alice est envoyée en France pour des études classiques. Mais la première transformation s’opère quand son oncle l’inscrit dans une école de couture. Elle n’aimait pas le métier au départ, mais au lycée Albert de Mum, elle se forge une véritable passion. Ce n’est pas seulement un lieu d’apprentissage professionnel, mais un creuset de diversité où se côtoient Chinois, Américains, et Tchadiens. Là-bas, la jeune Akichi apprend la différence, le vivre-ensemble, et surtout l’art du textile, sous l’aile bienveillante d’une formatrice qui joue presque le rôle d’une mère.

De retour en Côte d’Ivoire, Alice rencontre Michelle De Villiers, une figure du milieu de la mode, qui affine son savoir-faire et l’encourage à poursuivre cette voie. Alice n’est plus seulement couturière : elle devient Yakice, un nom qui fusionne les sonorités de ses origines et de son destin.

L’art de la transformation

Michèle Yakice ne s’est pas contentée de coudre. Elle a décidé de transformer. Insatisfaite des tissus disponibles sur le marché, elle commande ses propres étoffes et monte une équipe de jeunes tisserins, formés dans les régions renommées pour leur savoir-faire. Waragnéné et Bomizambo fournissent les bases d’un textile unique, aux couleurs et textures sur mesure.

Le bronze, lui aussi, passe sous ses mains, se transformant en objets de décoration. Michèle Yakice ne se contente pas de confectionner des vêtements, elle crée un univers. Chaque morceau de tissu, chaque motif, chaque fil est un message d’élégance et de fierté.

L’école d’un nouveau monde

Aujourd’hui, Yakice ne travaille plus seule. Dans son espace de 3000 m² à Angré, elle a fondé une école professionnelle, épaulée par sa fille aînée, qui porte également le prénom Michèle. Ensemble, elles forment des générations de jeunes talents, dans la mode mais aussi dans le milieu classique.

Michèle Yakice n’est pas seulement une entrepreneure. Elle est une prêtresse, transmettant sa foi en la mode et en l’excellence. Ses créations s’exportent à travers le monde, qu’il s’agisse de robes de mariée, de chemises, ou d’articles de décoration, mais elle en veut toujours plus. Pas pour la fortune, mais pour atteindre cette terre de merveilles à laquelle son prénom la destinait.

Un Destin en étoffe de révolte et de beauté

L’histoire de Michèle Yakice est celle d’une rébellion douce, mais tenace, contre les attentes sociales et familiales. En transformant un métier décrié en une vocation respectée, elle a non seulement redéfini la mode en Côte d’Ivoire, mais elle a aussi ouvert la voie à une nouvelle génération de créateurs. À travers elle, la “chose d’Akichi” est devenue une révolution.

ALEX KIPRE

photo:dr

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