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Entretien avec Amira Karaoud : De la finance à la photographie, un parcours de vie

Photojournaliste et anthropologue visuelle indépendante, Amira Karaoud, d’origine tuniso-américaine, parcourt le monde, appareil photo en main. Le but est de capturer des visages et des récits humains, avec une attention particulière à la condition féminine. Invitée cette année par Ange Aoussou au festival Un Pas Vers l’Avant (du 3 au 15 septembre à Lauzoua et Abidjan), elle contribue au projet “Femmes Akondi”. Elle revient pour Pouvoirs Magazine sur son parcours et ses motivations.

 

Vous venez du monde de la finance aux États-Unis. Comment se fait-il que vous ayez quitté cette carrière à Wall Street pour vous lancer dans la photographie et le photojournalisme à travers le monde ?

Depuis mon enfance, j’ai toujours été immergée dans l’art. J’adorais la danse, la peinture et les chants. Après mon bac, je voulais intégrer une école des Beaux-Arts, mais c’était trop coûteux. À ce moment-là, je pensais uniquement à l’indépendance financière, car cela représentait pour moi la liberté en tant que femme. C’était une idée naïve, car dans un monde patriarcal, même avec des moyens, il est difficile pour une femme d’être entièrement libre.

Finalement, j’ai opté pour des études en économie et gestion tout en poursuivant mes hobbies artistiques comme la photographie.

Plus tard, j’ai obtenu une Green Card et suis partie à New York pour un MBA. Puis j’ai commencé une carrière à Wall Street. Pendant dix ans, j’étais obsédée par cette idée de devenir une femme indépendante. Pourtant, il manquait quelque chose. En 2012, la révolution en Tunisie a bouleversé ma vie. Je me suis retrouvée à prendre des photos et à raconter des histoires de femmes dans différents pays. En 2012, j’ai pris la décision de tout quitter pour explorer le monde avec mon appareil photo.

Qu’est-ce qui vous a attirée vers le photojournalisme et comment avez-vous débuté ?

Lorsque j’ai commencé à m’interroger sur ma carrière à Wall Street, la révolution en Tunisie est arrivée. Elle m’a poussée à me plonger dans la réalité du terrain. Je suis retournée aux États-Unis pour repartir de zéro. J’ai fait des petits boulots afin de financer mes premiers projets de photo documentaire. Après l’élection de Trump en 2016 et la fermeture des frontières, j’ai réalisé mon premier reportage photojournalistique. Ensuite, j’ai décidé de poursuivre un master en anthropologie pour mieux comprendre et analyser les récits que je documentais.

Vous êtes maintenant basée à Dakar. Pourquoi ce choix ?

En 2018, je travaillais sur un projet sur l’identité des femmes de la diaspora arabe aux États-Unis. C’est à New York que j’ai découvert la danse contemporaine et cela a été une révélation.

J’ai commencé à m’intéresser aux savoirs corporels et à la magie du mouvement.

Mon questionnement sur l’identité africaine m’a conduit au Sénégal, où j’ai rencontré Ange Aoussou. Elle m’a parlé de son festival Un Pas Vers l’Avant et des femmes de Lauzoua en Côte d’Ivoire. C’était exactement ce que je recherchais.

Qu’est-ce qui vous a touchée dans le projet “Femmes Akondi” que vous documentez actuellement ?

Le projet “Femmes Akondi” m’a permis d’explorer le savoir corporel et la manière dont les récits peuvent être racontés à travers la danse. Suivre la création de cette chorégraphie était une opportunité unique pour moi d’observer comment une histoire peut être transmise par le mouvement. Mon travail d’anthropologue et de vidéographe m’a permis d’approfondir cette réflexion et d’apporter une autre perspective sur la danse.

Quelle est votre relation avec la danse contemporaine et en quoi influence-t-elle votre travail ?

La danse contemporaine est, pour moi, une forme d’expression puissante qui traite de questions sociales. Notamment celles liées aux droits des femmes. Grâce à mes recherches et à ma formation en analyse de mouvement, j’ai découvert le pouvoir du mouvement. Dans le but de raconter des récits sur un plan corporel et émotionnel. Mon expérience avec Femmes Akondi m’a confirmé que la danse peut toucher les gens sur un niveau beaucoup plus profond que les mots.

Comment trouvez-vous la vie à Lauzoua, en Côte d’Ivoire, où vous travaillez actuellement ?

C’est un lieu fascinant, beaucoup plus vivant que je ne l’imaginais. Les femmes y sont incroyablement travailleuses et jouent un rôle central dans la communauté. Il y a aussi des défis environnementaux à relever. Et j’aimerais collaborer avec des activistes pour voir comment protéger cette région magnifique.

Recueillis par Aaron Leslie

PHOTO/DR

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