Agoubli opte pour la suppression de la chambre des rois et du sénat

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Pour le professeur Paul Hervé Agoubly, il nous faut repenser nos institutions : le besoin d’une modernité ancrée dans la tradition.

L’un des problèmes majeurs en Côte d’Ivoire réside dans l’absence d’un pouvoir symbolique fort, pense le professeur. Un pouvoir capable de réguler la vie sociale et d’apaiser les tensions. “Aujourd’hui, dit-il  nous avons misé exclusivement sur l’État et le politique, sans accorder suffisamment d’importance aux contre-pouvoirs traditionnels qui auraient pu équilibrer les forces et favoriser la cohésion sociale.”

Les institutions modernes, dont la légitimité semble souvent reposer sur la brutalité héritée du système colonial, manquent de fondements solides. Cette « colonialocratie », pour reprendre l’expression de certains, a produit un vide symbolique, car elle ne permet pas l’émergence d’un contre-pouvoir véritablement enraciné dans les valeurs et les traditions locales.

C’est en cela que la Chambre des rois et des chefs aurait pu jouer un rôle crucial.

Mais, au fil du temps, ce pouvoir traditionnel a été dénaturé, réduit à un folklore sans réelle influence sur les décisions politiques. Pire encore, les acteurs de cette institution sont devenus des instruments du présidentialisme excessif, perdant leur vocation première.

Pourtant, l’exemple de nos voisins africains montre qu’un équilibre est possible. Au Ghana, au Burkina Faso ou au Sénégal, les traditions sont respectées et intégrées dans le cadre institutionnel. Mais l’exemple le plus frappant reste celui du Botswana, où le parlement accorde une place centrale au pouvoir traditionnel. La Chambre haute, composée de représentants des autorités coutumières, traite des questions majeures. Préservant ainsi une forme de régulation symbolique au sein de la modernité.

L’histoire de la Côte d’Ivoire nous enseigne que le pouvoir traditionnel n’est pas à négliger. Ignorer cette dimension, c’est affaiblir notre modernité, qui pourtant se targue de compter des anthropologues, des sociologues, des historiens et des écrivains parmi ses penseurs. Une réorganisation profonde de nos institutions, avec un regard attentif sur les leçons du passé et des exemples internationaux, semble indispensable. Il permettra de garantir une véritable stabilité et une réconciliation avec notre héritage

Retranscrits par

MARIE GNIALET

photo: dr

DR Paul Hervé AGOUBLI

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