En Côte d’Ivoire, au sein du 8e art une lumière persiste, brillante mais sous connue, celle de Dorris Haron Kasco.
Hier, à la Rotonde des Arts, cet espace vibrant et cher au professeur Yacouba Konaté, Kasco a dévoilé un film intime et émouvant. Une ode à la vie et à l’œuvre d’Augustt Cornélius Azaglo. Photographe d’origine togolaise, dont le regard a capturé les âmes d’une Côte d’Ivoire en pleine effervescence.
Ce film, qui aurait dû résonner sur toutes les ondes et se faufiler dans les foyers de la nation, reste pourtant dans l’ombre. Inconnu des jeunes générations, ignoré des autorités culturelles. Une absence qui pèse lourd, une indifférence qui crie l’oubli d’un patrimoine pourtant si riche, si vibrant.
Du coup Azaglo est un nom qui ne dit rien aux jeunes ivoiriens.
Qu’en est-il de Dorris Haron Kasco?
Kasco, le premier à exposer ses photographies d’art en galerie, aux côtés des peintres? Il est aujourd’hui un nom qui se dissipe dans les mémoires, une étoile filante que peu ont vue. De cet architecte des images, ce sculpteur de lumière, que savent-ils? Ces jeunes qui déambulent sans repères dans un océan de modernité de tablette et écran tactile brandit comme permis de jouir ?
De cet architecte des images, ce sculpteur de lumière, que savent-ils?
Le matin même, hier, dans les murs de l’INSAAC, Kasco a partagé son savoir, ses histoires, ses rêves, lors d’une master class. Cette Master Class a captivé des étudiants curieusement assoiffés d’apprendre. Ironie du sort, même lui ignorait devoir s’adresser à cette jeunesse curieuse. Une jeunesse qui aurait tant à gagner à connaître son histoire, ses racines. Kasco, qui a enseigné la photographie, la scénographie, et le cinéma à l’Université Paul-Valéry-Montpellier, et qui aujourd’hui continue de transmettre son savoir au Groupe Scolaire Jean-Mermoz d’Abidjan, se trouve pourtant relégué à la marge. Reconnu juste par quelques gens, pas toujours de bon aloi d’ailleurs.
Mais, à l’ombre de cette négligence, Kasco a planté une graine. De ses propres moyens, il a immortalisé Azaglo, offrant ainsi à la postérité le visage et l’œuvre de cet artiste oublié. Et hier, la famille d’Azaglo, nombreuse (22 personnes), émue, était présente pour honorer leur père, leur ascendant. Pour revendiquer sa place dans le panthéon des grands.
PROPOSITION/ L’an prochain, à la journée de la photographie, que Dorris Haron Kasco soit célébré. Honoré de son vivant. Qu’il ne soit pas une autre étoile à se perdre dans l’immensité. Mais bien un phare guidant les générations futures vers la reconnaissance de leur patrimoine.
Car le 8e art, cet art de la lumière, de l’instant figé, mérite plus que des hommages posthumes. Il mérite la vie, la célébration. Ici et maintenant.
ALEX KIPRE
photo: dr
POUVOIRS MAGAZINE