Lundi 19 août 2024 à 16h30 à la Rotonde des arts hommage sera rendu à Augustt Cornélius Azaglo à la faveur de la journée internationale de la photo. REFLEXION.
Sous le ciel brûlant de la Côte d’Ivoire, les souvenirs se tissent comme un voile de brume. Les preneurs d’âme—ces artistes silencieux de l’image—révèlent la beauté cachée des existences. Djatala, les appelle-t-on en Bambara. Ceux qui capturent l’essence de l’être, dans le mystère du noir et blanc, où chaque cliché se fait fenêtre ouverte sur l’âme. En ce lundi 19 août, la Rotonde des Arts, écrin du Plateau, abritera un hommage vibrant à l’un des plus illustres d’entre eux: Cornélius Yao Augustt Azaglo. Né en 1924 à Kpalimé, Togo, et éteint en 2000 à Korhogo, il a gravé à jamais son empreinte dans l’histoire de la photographie ivoirienne.
Cornélius, cet artisan du regard, s’installe en 1955 dans le Nord ivoirien, armé d’une simple “camera box” artisanale. De cette boîte magique naissent des portraits qui saisissent plus que l’apparence. Ils capturent l’âme des sujets. Avec l’ouverture de son ‘Studio du Nord’ en 1958, équipé d’un Rolleiflex 6×6, il devient le gardien de 100 000 négatifs. Témoignages vivants d’un temps révolu. Pour lui, la photographie n’était pas qu’un métier, mais une vocation, un acte sacré.
Dorris Haron Kasco, lui-même photographe et découvreur d’âmes, a croisé la route de Cornélius en 1993.
Pour offrir une réponse tangible à une “spécialiste de l’art africain” qui en niait l’existence photo. Il cartographiait alors les studios photo de Côte d’Ivoire pour la “Revue Noire“. C’est lui qui l’a surnommé Djataala, preneur d’ombres et de lumière, un homme capable de transformer le banal en sublime. Leur rencontre s’est muée en un film, réalisé entre 1998 et 2001, un hommage en images à ce maître qui, à son insu, a sculpté les contours de l’histoire de la photographie en Afrique de l’Ouest.
Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée Internationale de la Photographie, Dorris présentera ce film, une ode à la mémoire de Cornélius. Mais au-delà du simple hommage, c’est un acte de transmission, un pont entre les époques. Dorris, avec sa démarche empreinte de respect et d’admiration, a su donner à Cornélius la reconnaissance qu’il mérite. Inscrivant son nom dans l’éternité.
La photographie d’auteur est bien plus qu’une technique. Une quête c’est. Un voyage intérieur qui révèle les recoins les plus intimes de l’existence humaine. Dans chaque photo, Cornélius et Dorris partagent avec nous un fragment d’éternité, une ombre, une lumière, un soupir, un prothèse à la politique.
Et tandis que certains s’enlisent dans la stérile compétition, Dorris, en preneur d’âme dévoué, réaffirme la puissance de l’art. Comme révélateur de vérités profondes, où l’hommage devient un acte de renaissance.
Il est en effet facile de penser que les artistes, mus par leur quête de reconnaissance, sont souvent prisonniers de leurs égos. Cherchant à surpasser leurs pairs pour briller davantage. Mais l’histoire de Dorris Haron Kasco et de Cornélius Yao Augustt Azaglo démontre une vérité bien plus profonde et inspirante. Parfois, l’art transcende la compétition, pour devenir un acte de solidarité, de transmission et d’épanouissement mutuel.
Dorris, en choisissant de révéler au monde l’œuvre de Cornélius, prouve que l’art peut être un terrain fertile pour l’épanouissement collectif.
En rendant hommage à un devancier, il ne cherche pas à effacer sa propre lumière, mais plutôt à l’enrichir par celle d’un autre. C’est ainsi que l’on comprend que l’art, dans sa plus belle expression, ne s’épanouit pas dans l’isolement ou la rivalité. Mais dans la communion, le partage et l’acte de donner.
En révélant Cornélius au public, Dorris a non seulement perpétué la mémoire d’un maître. Mais il a aussi prouvé que l’adage selon lequel les artistes ne peuvent coexister sans rivalité est une illusion. Il nous montre qu’il est possible de grandir en célébrant les autres, en construisant ensemble un héritage commun pour la postérité.
Bravo, Dorris, d’avoir démontré que l’humilité et le respect peuvent faire naître les plus belles œuvres. Et que l’art, loin d’être un combat d’égo, est une quête collective où chacun peut s’élever en soutenant l’autre.
ALEX KIPRE
photo: dr
POUVOIRS MAGAZINE