Les acteurs de la musique ivoirienne semblent valorisés localement et internationalement pour leurs diversité, dynamisme et influence culturelle d’apparence significative. La réalité est tout autre.
La déferlante – durant la dernière coupe d’Afrique des nations de football- du « Coup du marteau » du Beatmaker ivoirien Tamsir qui a repositionné la musique urbaine made in Côte d’Ivoire sur l’échiquier musicale mondiale, permet-elle vraiment de bouger les lignes pour les artistes ivoiriens en termes de visibilité et de crédibilité? Pas si sûr.
L’industrie musicale connaît une mutation vertigineuse avec en filigrane la révolution du streaming et la dynamique économique qui en découle. L’Afrique n’est bien entendu pas en reste. Disons la zone anglophone plus précisément.
À l’évidence elle bénéficie d’un paradigme culturel et sociologique bien plus propice à cette évolution. En témoigne, l’éclosion des DAVIDO, WIZKID, BURNA BOY, ASAKE, DIAMOND, AYRA STARR ET AUTRES UNCLES WAFFLES…
Ces derniers ont réussi à inverser la tendance, en imposant la musique afro au sommet des chartes. C’est factuel, ils ont basculé dans une autre dimension, aux antipodes de nos réalités décalées et zougloutiques.
Dans une récente sortie, le promoteur du festival ABIDJAN LAGUNA SHOW a affiché les cachets déroutants des stars nigérianes. Des montants hallucinants qui rimaient avec le grotesque des caprices de ces derniers. Soit.
La toile ivoirienne s’est enflammée suite à ces révélations. Interloquée d’apprendre que sous des cieux limitrophes, la musique est lucrative et nourrit vraiment son homme.
Qu’en est-il des nôtres ? Que valent-ils? Méritent-ils ces émoluments qui donnent le tournis? Si la valeur marchande d’un artiste reste subjective, elle obéit à des critères qui se veulent rigoureux.
Une musique valorisante, très « bankable », une direction artistique structurée, un branding attractif, une communication soignée, bref, autant d’éléments propices à la compétitivité. En l’espèce, les artistes ivoiriens sont-ils compétitifs à l’échelle panafricaine, voire internationale?
Pas si sûr.
Quel promoteur de spectacles paierait des sommes faramineuses pour des artistes à l’image dégradante, friands de directs stupides, futiles et stériles?
Des artistes dénués de créativité, sans réelle vision ni projet ambitieux et qui pataugent dans la monotonie. Quel pigeon viendra investir à perte sur des chanteurs qui chantent faux, dont les singles sont grossièrement dopés à l’autotune?
Quand les uns visent les Grammys, eux ont pour seule ambition de flatter le palais de la culture une seule fois par an. Que dire du contenu de ces concerts?
Cette propension insupportable que la société ivoirienne a de célébrer des amuseurs publics au détriment de vrais talents. La récolte est fidèle à la semence.
Chacun ses priorités.
Pendant qu’ils ambitionnent consolider leurs cultures à l’international en convoquant l’authenticité, l’expertise et la créativité, d’autres font le choix de l’amateurisme, de l’assistanat, du ramping, le tout adoubés par
des médias peu ou mal inspirés. Pourquoi sommes-nous surpris?
Le réveil est brutal. Abidjan n’est plus la plaque tournante d’il y a trente ans.
Abidjan ne fabrique plus les stars. La capitale économique les reçoit simplement. Elle demeure une étape éminemment importante certes, mais sans plus. Accepter les critiques pour élever son degré d’exigence est un choix. Se trouver des excuses pour justifier sa léthargie
reste une option également. Pour l’heure, la moisson abonde, et seuls les ouvriers acharnés en jouiront.
LOIC DAMAS
POUVOIRS MAGAZINE
