C’était la loi : les Belges qui ne reconnaissaient pas leurs « enfants de la honte et du péché », comme on les appelait alors, devaient les placer dans des institutions religieuses très éloignées du lieu de naissance des bambins, lesquels devenaient alors les pupilles d’un Etat qui allait prendre totalement le contrôle de leur vie.
Aujourd’hui, des avocats bruxellois entendent démontrer, après avoir trouvé de nouveaux documents dans des archives officielles que personne n’avait pu, ou voulu, consulter, que les autorités belges sont coupables de crimes contre l’humanité et que les victimes de leur politique doivent obtenir une réparation morale et financière.
Les faits pouvaient être définis, aujourd’hui, comme crimes contre l’humanité, ce n’était pas le cas au moment de la colonisation. Et que, peut-être, ils n’étaient pas suffisamment graves pour justifier une indemnisation. Les clientes ont, au contraire, été condamnées à régler les frais de procédure.
Un groupe d’avocats a alors porté l’affaire devant une cour d’appel, qui doit fixer la date de prochaines audiences. Et l’équipe de juristes a, grâce à ses recherches aux Archives générales du royaume, très largement étayé un dossier qui, s’il ne consiste pas à « faire le procès de la colonisation en général », comme l’avaient plaidé les avocats de l’Etat en première instance, jette toutefois une lumière très crue sur une politique délibérée de persécution à laquelle s’est livrée, pendant des décennies, la Belgique.
Environ 20 000 enfants métis ont subi le même sort que les plaignants. D’autres métis furent l’objet d’adoptions forcées en Belgique, d’autres encore furent placés dans des foyers et, si certains ont fini par être acceptés dans le pays de leur père, c’est seulement parce que des religieuses menaçaient de révéler le nom de leur géniteur.
Des femmes blanches, revenues enceintes de la colonie, furent autorisées à avorter afin qu’elles n’accouchent pas de petits métis. Alors même que l’IVG n’a été dépénalisée qu’en 1990, à l’issue d’une crise institutionnelle : le roi Baudouin fit valoir son refus de signer un texte contraire à ses valeurs. Officiellement, le gouvernement actuel entend aider les métis à retrouver leurs droits, comme l’ont assuré trois ministres début mai 2023.
Les plaignants affirment n’avoir toujours pas eu accès à l’intégralité de leur dossier personnel. Peut-être les autorités veulent-elles, en réalité, rester fidèles au principe énoncé, en 1924, par un missionnaire :
Ne pas étaler, devant l’opinion publique en Belgique, les vilains côtés du beau Congo de la Rumba
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